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des compagnies en associant toutes les forces de crédit pour des entreprises nouvelles. C’est évidemment le seul système vrai, le seul qui ait produit jusqu’ici des résultats féconds et qui puisse en produire encore. En dehors des banalités et des déclamations qui ne résolvent rien, qu’a-t-on à proposer de mieux? Veut-on que l’état, qui a déjà une dette démesurée, se charge de racheter tous les chemins de fer et de poursuivre seul, jusqu’au bout, l’extension de notre réseau? On ne le peut pas sérieusement. Ceux-là mêmes qui caressent toujours cette grande chimère n’ont pas osé aller jusqu’au bout de leur pensée. Proposer, comme on l’a fait, à défaut du rachat universel, le rachat partiel du réseau d’Orléans, c’est une combinaison équivoque qui a les inconvéniens de tous les systèmes sans en avoir les avantages, qui ne serait d’ailleurs que la guerre organisée entre l’état et les compagnies survivantes, qui enfin ne répondrait nullement à la situation financière. Ce qu’on a fait était donc la seule chose à faire ; mais dès qu’on se décide à négocier avec les compagnies, il faut apparemment les traiter en puissances sérieuses auxquelles on a des services à demander ou à imposer, si l’on veut. On dirait que certains républicains, imbus de vieux préjugés, jaloux de domination, ne redoutent rien tant que de voir s’élever dans la société, à côté de l’état, des forces indépendantes sérieusement constituées. A la rigueur, s’il le faut, ils laisseraient vivre les compagnies; seulement ils les voudraient asservies, subordonnées, entourées de liens, surveillées dans leurs conseils, mises pour ainsi dire en régie. Bref, ils voudraient des compagnies qui ne feraient pas leurs affaires, qui ne seraient que des faiblesses; mais, en vérité, l’état n’a aucun intérêt à être entouré de ces faiblesses, à avoir des compagnies qui ne feraient pas leurs affaires. Il est, au contraire, intéressé à avoir autour de lui des forces réelles, indépendantes, qui puissent au besoin le soutenir et lui être d’efficaces auxiliaires. Lorsque les grandes crises de 1870-1871 sont survenues, l’état n’a trouvé un appui sérieux, décisif dans la Banque de France, dans les compagnies elles-mêmes, que parce que c’étaient des puissances indépendantes, fortement constituées. Il y a mieux : lorsqu’à propos de l’organisation industrielle des chemins de fer consacrée par les conventions, on parle toujours de féodalité financière, c’est un étrange abus de langage. Cette organisation est en réalité ce qu’il y a de plus démocratique, comme l’a dit M. Rouvier. Où sont donc toutes ces actions, ces obligations qui représentent un immense capital? Elles sont partout, dans les hameaux comme dans les villes, chez le pauvre comme chez le riche, — de sorte que c’est la puissance de tout le monde .

Que l’état doive toujours garder un droit de surveillance et de contrôle, qu’il puisse imposer des conditions, avoir son influence sur les tarifs, rien de mieux sans doute, ce n’est pas contesté; mais l’état n’a