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mission et alla retrouver à Vendôme son frère, le roi de Navarre, qui avait été appelé par le connétable. L’amiral se rendit aussi à Vendôme avec ses deux frères et nombre de seigneurs. On y conféra sur les moyens de délivrer le roi de la tyrannie des Lorrains. Quelques-uns demandèrent une prise d’armes ; Coligny s’y opposa et fit prévaloir son avis. Il fut résolu seulement qu’Antoine de Bourbon et Condé son frère revendiqueraient leur droit, en qualité de premiers princes du sang, de participer aux affaires de l’état. Une seconde conférence eut lieu, après le sacre de François II, à La Ferté-sous-Jouarre, sur l’appel de Condé : on ne sait pas bien ce qui s’y passa ; mais une chose semble certaine, c’est que l’amiral, toujours préoccupé de faire triompher la cause des réformés par les voies légales, s’opposa encore cette fois à une prise d’armes. Il se retira à Châtillon en octobre 1559, et, ayant enfin fait accepter sa démission du gouvernement de Picardie, il vécut dans une profonde retraite. C’est le moment où, se détachant entièrement de l’ancienne foi, il commença à épouser la foi nouvelle avec la ferveur d’un apôtre et on pourrait presque dire l’exaltation d’un homme qui se prépare au martyre. Coligny et sa femme disaient la prière à genoux, au milieu de leurs serviteurs, le matin. On attendait l’heure du prêche, qui se faisait de deux jours l’un ; avant le dîner, on chantait un psaume et l’on disait la bénédiction; la nappe ôtée, l’amiral se levait avec tous les assistans et rendait grâces lui-même ou les faisait rendre par son ministre : même chose se faisait au souper. Le château de Châtillon avait sa règle comme un couvent ; on ne s’occupait que de prières, de chants, de bonnes œuvres; ces exemples furent imités dans toutes les familles unies à l’amiral, chez les Soubise, chez les Rohan, chez La Noue, Briquemault, chez Mme de Rothelin, chez Mme de Roye. Mais Coligny fut bientôt troublé dans cette pieuse paix. Mandé à Amboise, il s’y rendit tout de suite et y arriva le 24 février ; ses frères l’y suivirent de près.

Quel a été le rôle de Coligny dans la fameuse conjuration d’Amboise? M. le duc d’Aumale affirme que Condé y avait participé; pour Coligny, dit-il, « prudent et maître de lui, il n’avait pas été impliqué dans la conspiration ; mais c’est lui qui, dans une réunion à La Ferté-sous-Jouarre, après le sacre du roi, avait exposé à Condé l’organisation des églises, le nombre des réformés, leurs relations avec les princes luthériens d’Allemagne, et qui, échauffant son ardeur, tout en modérant l’impatience dont le remplissaient de récens et nombreux outrages, l’avait engagé dans une voie plus lente et plus sûre. » Brantôme déclare que l’amiral ne sut jamais rien de la conjuration d’Amboise : la reine et les Guises ne parlèrent d’abord à Coligny que de mesures à prendre contre l’Angleterre. La glace