Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/671

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il s’était fait, au printemps de 1558, accompagner de deux ministres, Carmel et Loiseleur, qui prêchaient devant lui. Henri II lui avait adressé des reproches, et moitié par caresses et moitié par menaces, l’avait ramené un moment à la messe ; mais d’Andelot était retourné bientôt au prêche et avait été dépouillé de sa charge de colonel-général de l’infanterie, qui fut donnée à Montluc.

Dans sa prison de Gand, Coligny reçut des livres de Genève et des lettres de Calvin, qui l’exhortait « à se desdier pleinement à Dieu et à espérer en la vie céleste.» Calvin écrivait aussi à la femme de Coligny pour la consoler dans son affliction. Les deux époux, « fortifiés en constance invincible, » étaient désormais acquis à la réforme. Charlotte eut beaucoup de peine à réunir les cinquante mille écus d’or au soleil que Philibert-Emmanuel exigeait pour la rançon de son prisonnier. Coligny ne sortit de prison que dans les premiers jours de février 1559; deux mois après, la paix était signée au Cateau-Cambrésis. Henri II et Philippe II s’y promettaient de ne plus faire la guerre qu’aux réformés ; le roi de France donnait une de ses sœurs en mariage au duc de Savoie et une de ses filles au roi d’Espagne. Coligny ne pouvait trouver bonne cette paix « glorieuse aux Espagnols, désavantageuse aux Français, redoutable aux réformés. » (D’Aubigné.) Il offrit sa démission du gouvernement de Picardie, mais le roi la refusa. L’amiral ne parut à aucune des fêtes données pour la signature des contrats ; on ne le revit que lorsqu’il vint après la mort de Henri II prendre sa place et veiller à côté du lit du roi, dans la salle des Tournelles, qui servit de chapelle ardente.

Il pouvait donner des regrets sincères à un monarque « de doux esprit, mais de fort petit sens, » dont il avait été le compagnon à la cour, à la guerre, et qui, il faut le dire, l’avait comblé de ses faveurs. Ce roi l’avait, tout jeune, fait gouverneur de deux belles provinces et amiral de France. Quand le connétable présenta ses neveux au nouveau souverain, François II, il le pria de les confirmer dans leurs charges. François II, soufflé par sa mère, donna des éloges à l’amiral et à d’Andelot. Catherine de Médicis ne se méfiait pas encore de Coligny, elle croyait n’avoir rien à craindre de son ambition, le tenant pour «homme rond, » et elle n’était point fâchée d’avoir deux cordes à son arc, les Châtillon et les Guises.


II

Les Guises avaient, au lendemain de la mort d’Henri II, éloigné Condé en l’envoyant aux Pays-Bas recevoir le serment des Espagnols pour la paix de Cateau-Cambrésis ; le prince se hâta de remplir sa