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qui lui valut le titre de duc de Ferrare, assista à une course de chevaux, et ce fut sa dernière distraction, car le soir même il fut pris de la maladie dont il mourut. Tous ces souvenirs reviennent à la pensée quand on regarde la fresque du palais de Schifanoia ; avec elle, on revit dans le brillant passé de Ferrare.


IV.

A quelle époque les fresques de la grande salle du palais de Schifanoia ont-elles été exécutées ? Est-ce du vivant de Borso ou est-ce seulement sous le règne d’Hercule Ier qu’elles furent commencées ?

Pour en faire honneur à Hercule Ier exclusivement, on a allégué plusieurs raisons qui n’étaient pas dénuées de vraisemblance. Il est impossible, disait-on, que le peintre ait pu se mettre à l’œuvre avant la fin de 1471, époque où Borso n’existait déjà plus[1], car l’état du palais ne le permettait pas. On lit, en effet, dans la chronique de frà Paolo da Legnano, à l’année 1471 : « Un repas eut lieu au rez-de-chaussée, parce que l’étage supérieur n’était pas encore terminé. » — Ce n’est même probablement pas Borso, ajoutait-on, qui a commandé les peintures consacrées en partie à sa propre glorification : son caractère n’autorise guère une pareille hypothèse. Il est tout naturel, au contraire, de supposer qu’Hercule ait voulu faire représenter les actes mémorables de Borso pour manifester sa reconnaissance envers son frère, qui, tenant à lui assurer la possession du trône, n’avait pas consenti à se marier et avait, peu avant sa mort, éloigné de Ferrare un prétendant redoutable, Nicolas, fils de Lionel.

Ces raisons, si puissantes qu’elles paraissent à première vue, n’ont rien, selon nous, de décisif. Quand frà Paolo da Legnano dit qu’en 1471 le second étage n’était pas encore terminé, il ne parle évidemment pas de la partie du palais qui attire aujourd’hui les visiteurs, ou bien il fait simplement allusion aux travaux qui avaient pour but d’orner les pièces déjà achevées. Grâce aux recherches de L.-N. Cittadella, on sait, comme nous l’avons déjà constaté, que la décoration de la salle des stucs, y compris le plafond, fut exécutée en 1467. Si l’état du palais n’a pas mis obstacle à ces travaux, pourquoi aurait-il entravé l’exécution des peintures dans le salon voisin ? Quant à la nature des sujets où apparaît Borso, elle n’avait rien de compromettant pour la modestie du prince. Accueillir

  1. Borso mourut le 20 juillet, selon Maresti, le 19 août, selon Pigna et Frizzi.