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LE
PALAIS DE SCHIFANOIA
A FERRARE

C’est dans une des rues les plus désertes d’une ville où les rues solitaires abondent aujourd’hui, non loin de l’église de Santa-Maria-in-Vado et tout près du monastère des religieuses de San-Vito, que se trouve le palais de Schifanoia, jadis si animé, maintenant silencieux et délabré. Le marquis Albert d’Este, frère de Nicolas II et père de Nicolas III, le fit construire en 1391. Comptant y trouver un délassement à ses soucis, il lui donna le nom significatif de Schifanoia (Esquive-ennui). Ce palais ne se composait alors que d’un rez-de-chaussée. Le premier étage fut ajouté par Borso, fils et successeur de Nicolas III, un des princes de la maison d’Este qui se sont le plus heureusement employés à mettre Ferrare en état de rivaliser sans trop de désavantage, dans le domaine des lettres et des arts, avec les brillantes cités dont se glorifiait l’Italie.

C’est aussi Borso qui fît exécuter la belle porte en marbre d’Istrie par laquelle on entre dans le palais. Cette porte, que le temps a revêtue d’une chaude couleur de feuille morte, a pour ornement des piliers couverts d’arabesques, des pilastres cannelés, surmontés d’élégans chapiteaux, et une corniche décorée de palmettes. Peut-être les sculptures des piliers ont-elles été faites d’après quelque dessin de Cosimo Tura ou de Francesco Cossa. A coup sûr, elles ont pour auteur un artiste émérite, car le style en est plein de saveur et de grâce. Les dauphins, les lévriers, les cors de chasse, les vases, les feuillages,