on a obtenu une réduction notable, on y va à moitié prix ; 0 fr. 10 par écolier trois fois par semaine; quand arrive l’automne, on s’aperçoit que le plaisir de la natation coûte cher, mais on ne le regrette pas, car on sait que la santé des enfans en a profité; on se contente de redoubler de parcimonie. Autrefois, le jeudi et le dimanche, on servait du dessert sur la table, on y a renoncé ; c’était trop coûteux et pas assez nourrissant. Je crois cependant qu’en certaines circonstances solennelles on ne recule pas devant quelque confiture ; du moins, j’ai vu dans la cour une voiture chargée de pots de raisiné. Malgré « les fondations de lits, » — 100,000 francs, — malgré le produit de la pension des enfans payans, — 24,600 francs, — la maison d’Auteuil a eu, en 1882, un excédent de dépenses de 87,183 fr. 50, qui a été couvert par le produit des dons, des quêtes, des sermons et des ventes de charité. Il est bien placé l’argent qui préserve les enfans et fait des hommes.
J’ai dit que l’abbé Roussel, depuis que son œuvre a pris naissance, avait recueilli, réconforté, guidé plus de 6,000 enfans; les a-t-il tous sauvés, au sens absolu du mot? Non ; mais on peut affirmer, sans crainte d’être démenti par les faits, que sur 100 enfans qui ont séjourné à l’orphelinat et y ont terminé leur apprentissage, 80 resteront dans la voie de la probité. Tous, certainement, ne conserveront point intactes leurs croyances religieuses, tous n’iront pas à la messe le dimanche et ne feront point leur prière le soir avant de se coucher, mais ils ne demanderont qu’au travail le droit de vivre, ils aimeront le métier qu’on leur a enseigné, ils n’insulteront pas le prêtre qui passe dans la rue, le commissaire de police ne connaîtra pas leur nom. Les vingt autres retomberont en péril. Lorsque le grain est semé sur le roc ou dans la fange, il se dessèche ou il pourrit. Pour ceux-là, la germination ne s’est point faite; on les avait enlevés au mal, le mal les ressaisira, et ils iront grossir la tribu lamentable que les tribunaux recherchent, que les geôles réclament, qui, aux jours de paix publique, font état d’escroc et de voleur, qui, aux jours de fièvre furieuse, brûlent les villes et tuent les otages. En sortant de la douce maison où l’on a essayé de les imprégner de bien, ils reprendront la vie sans frein qu’ils ont aimée aux jours de leur enfance ; ils soutiendront quelque fille qui les nourrira de ses vilenies, ils s’embaucheront dans une bande de malfaiteurs, ils dépouilleront un passant, tueront un homme et mourront au bagne, ferrés sur le grabat de chêne.
Quatre-vingts pour cent, c’est énorme; et cette proportion serait plus considérable encore, si, comme son titre l’indique, l’Orphelinat d’Auteuil ne recevait que des orphelins. Quelques-uns n’ont plus de famille, la mort a tout emporté, ils sont seuls dans la vie et n’ont