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sait qu’il est sage de laisser l’écolier éteindre et mater la précocité de ses instincts par l’exubérance même de ses jeux; la fatigue, sinon l’épuisement qui succède à des exercices exagérés, est une sorte de sécurité morale où le repos s’appuie sans trouble et sans lutte. Il est hygiénique de harasser l’enfant, on le sait à Auteuil, et je m’en suis aperçu. La violence des jeux de ces gamins est extraordinaire. J’assistais à la récréation de ceux qui ont déjà fait leur première communion et sont considérés comme des « anciens; » je pouvais donc constater chez eux le résultat du système d’éducation qui leur est appliqué. On est obligé de n’en admettre qu’un nombre limité dans l’enceinte de la gymnastique; le trapèze, le tremplin, la poutre fixe, la poutre mouvante, la corde à nœuds, la corde lisse, le portique, exercent sur eux une véritable fascination. Vestes bas et bras nus, s’encourageant, s’applaudissant, se huant, stimulant leur émulation de toute manière, ils développent une intrépidité et une adresse que j’ai admirées et dont plus d’un gymnaste serait fier. Ils y mettent de la passion et cette vanité innée du voyou de Paris, qui, en rien, ne consent à se laisser surpasser. La force et l’agilité sont des qualités respectées dans le peuple; comme au temps d’Homère, on est parmi les premiers lorsque l’on ne fléchit pas sous un fardeau trop lourd : dans un monde où le coup de poing est l’argument suprême, la vigueur est une vertu. Les élèves de l’abbé Roussel font ce qu’ils peuvent pour être vertueux, et ils y réussissent.

Leur divertissement le plus cher, après la gymnastique, leur fait des bras infatigables et des mains aptes aux durs labeurs, lis soulèvent des altères de fonte, ils ramassent des poids de 20 kilogrammes, et, le corps penché en arrière, les jarrets fléchis, la face congestionnée, ils les dressent jusqu’à la hauteur des épaules. J’ai vu là des enfans de quinze à seize ans se dépiter et devenir rouges de honte parce qu’ils ne pouvaient porter une telle masse à bras tendu ; les plus âgés, ceux qui ont été recueillis aux premières heures et qui d’apprentis sont devenus contremaîtres, ne dédaignent point cet exercice ; ils le compliquent et y déploient une force surprenante ; ils saisissent les poids, se les lancent mutuellement, les attrapent au vol et restent immobiles, fermes sur les reins, malgré la pesanteur du choc augmentée par la projection. J’ai admiré la vigueur musculaire de ces petits athlètes et j’estime que l’on fait bien de la développer. Le soir, après une journée où les récréations ont été employées à de tels tours de force, l’enfant ne rêvasse pas, il ne songe qu’à dormir et il dort. En outre, l’abbé Roussel, qui est un sage auquel la vie et la réflexion ont enseigné l’expérience, ne cherche pas à faire de ses pupilles des bacheliers, des savantasses.