l’espérance de la minute suprême, c’est bien; ramasser des enfans, les soustraire au mal, au méfait, aux répressions obligées, c’est mieux. Dans le premier cas, on soulage une infortune et souvent l’on répare une injustice; dans le second, on cicatrise une plaie morale, on conjure un péril qui est à la fois individuel et collectif. En neutralisant un futur malfaiteur, on lui rend service et l’on rend service à la société.
Un fait accidentel détermine le plus souvent la vocation des hommes de bienfaisance. Un jour, par hasard, ils rencontrent une brebis malade, ils l’emportent, la réchauffent et la nourrissent ; puis une autre vient rejoindre la première, puis encore une autre, et bientôt le troupeau est si nombreux qu’il faut lui bâtir des bergeries. L’œuvre que dom Bosco a créée à Turin et qu’il fait rayonner sur l’Italie a maintenant des établissemens spacieux où les enfans délaissés forment de véritables corporations de métier. Avant de posséder de tels établissemens, on avait une simple maison ; avant la maison, un hangar; avant le hangar, un pré : pendant le jour, on y travaillait ; pendant la nuit, on y dormait sur l’herbe, à la belle étoile. Au mois de décembre 1841, dom Bosco allait dire la messe et le sacristain cherchait un enfant qui pût la servir; un vagabond âgé de seize ans, nommé Barthélémy Garelli, se promenait dans l’église, regardant les tableaux et bayant aux statues. Le sacristain le requit, l’enfant refusa : on en vint aux gros mots et aux gourmades. Dom Bosco intervint, calma l’enfant, le garda près de lui, l’interrogea et constata qu’il ne savait même pas faire le signe de la croix. De cette minute, il se promit de se vouer à la jeunesse abandonnée. Il s’est tenu parole, près de 80,000 enfans lui doivent aujourd’hui d’être des hommes probes, travailleurs et de n’avoir point trébuché.
L’orphelinat des apprentis dont je vais parler et qui me paraît appelé à un développement justifié par son utilité même est né d’une illumination pareille. Dans la nuit, il suffit d’un éclair pour découvrir les points les plus éloignés de l’horizon Un fait isolé révèle parfois des profondeurs de misère que nul n’aurait soupçonnées. Comme dom Bosco, l’abbé Roussel s’est trouvé inopinément en face d’un enfant vagabond et il en est résulté l’orphelinat d’Auteuil, dont il est le créateur. Les documens concernant cette fondation bienfaisante sont entre mes mains; pour les consulter, je n’ai eu qu’à ouvrir les archives de l’Académie française, qui, grâce aux largesses de M. de Montyon, a le devoir de rechercher, de récompenser et de signaler les actes de vertu. Un soir, à la fin de l’hiver de 1865, l’abbé Roussel aperçut un enfant qui fouillait un tas d’ordures : « Qu’est-ce que tu fais là? Je cherche de quoi manger. » L’abbé