raîtrait, on peut aisément prévoir qu’il y aurait une crise nouvelle dans les partis. La difficulté même que les libéraux éprouvent à garder leurs avantages l’atteste, et les conservateurs sentent bien que leur meilleure chance est dans les divisions que le radicalisme peut susciter en s’attaquant aux traditions qui ont fait la puissance de l’Angleterre.
La Belgique, elle aussi, comme l’Angleterre, comme bien d’autres pays plus exposés que l’Angleterre, a en ce moment affaire au radicalisme. Elle a eu récemment une certaine agitation qui a commencé par des discours, par des réunions, même par des manifestations des rues, et qui a fini par pénétrer un instant jusque dans le parlement sous la forme d’une proposition de révision de quelques articles de la constitution. Est-ce à dire que cette agitation ait un caractère sérieux, menaçant pour le repos intérieur de la Belgique ? On ne peut guère s’y méprendre, ce n’est rien de bien grave ; c’est une tentative pour laquelle se sont échauffées quelques imaginations radicales, qui en réalité ne répond ni à un mouvement apparent d’opinion, ni aux sentimens et aux intérêts des partis. La révision constitutionnelle ! les catholiques, bien que vaincus aujourd’hui, ne la demandent pas. Les libéraux, qui sont aux affaires depuis quelques années, avec le cabinet de M. Frère-Orban, n’éprouvent naturellement aucun besoin de changer une constitution avec laquelle ils ont pu reconquérir le pouvoir. Dans la masse du pays, cette idée n’a rencontré jusqu’ici qu’une parfaite indifférence. Depuis cinquante ans qu’elle existe, la constitution belge, respectée par tous les partis sagement pratiquée par les souverains, a suffi à tout, à la garantie de la paix intérieure, comme au développement de toutes les libertés. La monarchie qu’elle a créée ou reconnue s’est enracinée avec le temps, et rien ne serait moins populaire qu’une attaque plus ou moins déguisée contre cette institution monarchique qui a contribué à faire de la Belgique ce qu’elle est, qui, depuis un demi-siècle, a aidé le pays à traverser sans sombrer plus d’une pénible épreuve. Les révisionnistes ont bien senti le danger ; aussi se sont-ils abstenus, malgré leurs opinions républicaines, de mettre directement et ostensiblement en cause la royauté. Ils se sont contentés d’insérer pour le moment dans leur programme la réforme des articles de la constitution qui consacrent le principe d’un cens électoral ; ils ont commencé par demander le suffrage universel. C’était visiblement un premier pas ; mais en cela même ils se trompaient encore dans leurs calculs. La Belgique n’a pas une si vive répugnance pour un cens électoral d’ailleurs fort modéré ; elle n’a pas un si grand enthousiasme pour le suffrage universel, que bien des libéraux n’admettraient à la rigueur qu’avec de sérieuses restrictions, et en définitive cette campagne révisionniste, après avoir été pendant quelques jours assez