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Malheureusement c’est ainsi ; tout est engagé et enchevêtré de telle façon aujourd’hui qu’on n’a plus que le choix des difficultés, et entre tous les embarras qu’on s’est créés, qui n’avaient certes rien d’inévitable, un des plus frappans est celui des finances, du budget qui reste à faire, qu’on ne sait plus comment remettre en ordre dans la confusion universelle. C’est qu’en effet, il n’y a plus à se faire illusion sur une situation financière, si brillante il y a quelques années encore et à l’heure qu’il est si gravement compromise par une politique qui n’a su qu’épuiser les ressources nationales dans un intérêt de vaine popularité. On a cru pouvoir user et abuser de la prospérité qu’on avait reçue. Au lieu de ménager les forces du budget et de se réserver les moyens soit d’alléger les, charges du pays, soit de suffire à l’imprévu, on a escompté d’avance des excédens incertains. Au lieu de retenir prudemment les dépenses, on les a déchaînées avec une sorte d’émulation de prodigalité imprévoyante. Au lieu d’éteindre les dettes, comme le font les gouvernemens sérieux, et de garder intacte la puissance du crédit dans une pensée d’avenir, on n’a pas craint d’ériger en système l’emprunt à outrance pour l’exécution de plans gigantesques qui ne cachaient, — les indiscrets l’ont avoué depuis, — qu’une préoccupation de parti et d’élection. Qu’arrive-t-il maintenant ? C’est tout simple, c’était facile à prévoir : le temps de la disette et des embarras est venu. À la place des plus-values des revenus publics, des excédens dont on était si fier, il y a les moins-values, les diminutions de recettes : ces diminutions, elles sont déjà, pour les cinq premiers mois de l’année, de près de 20 millions, et comme ce chiffre ne cessera de s’accroître, comme, d’un autre côté, dépenses et crédits supplémentaires ne cessent de se multiplier) on peut compter sur un déficit de 150 à 200 millions. En même temps, le crédit, poussé à bout, a nécessairement fléchi, et il n’y a plus moyen de songer à l’emprunt continu, permanent, pour suffire aux travaux de toute sorte qu’on a entrepris, pour alimenter ce budget extraordinaire, qu’on a créé comme le déversoir de toutes les conceptions chimériques ou des dépenses qu’on tient à dissimuler. Diminution des recettes, accroissement des dépenses, fatigue du crédit éprouvé par l’abus des emprunts, difficulté de suffire au prévu et à l’imprévu, c’est donc là provisoirement le dernier mot de cette situation financière créée par la politique qui règne depuis quelques années.

Il faut cependant sortir de là ; c’est toute la question aujourd’hui. On peut sans doute encore ajourner le budget ordinaire en se bornant à voter pour l’instant les contributions qui doivent être soumises aux conseils généraux et en renvoyant le reste, le règlement définitif, au mois de novembre. C’est ce qu’on va faire vraisemblablement ; mais le budget extraordinaire ne peut être ajourné à la fin de l’année. Il faut bien savoir d’avance ce qu’il sera, comment on pourra l’établir ; il faut