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REVUE MUSICALE

Combien de gens, en visitant l’exposition d’horticulture, se sont exclamés d’admiration à la vue de cette infinie variété de plantes et de fleurs dans une même espèce du règne végétal ! Passons maintenant au règne animal et, par gradations toujours ascendantes, arrivons au monde intellectuel : nous éprouvons le même sentiment devant les mêmes phénomènes. La race, la nation, la famille, les individus, et, parmi ceux-là, autant de tempéramens, d’organisations et d’efflorescences diverses selon la culture. Chez ceux qui se ressemblent le plus vous saisissez le trait personnel, signature du caractère et du talent, sans quoi rien ne compte, et toujours, comme dans la nature, le mouvement progressif, le combat pour l’existence, le présent en révolte contre le passé qui n’en veut pas démordre et qui se venge, et le bon sens du public finissant par avoir raison de la critique. Car il est écrit que ce qui doit durer durera, et l’histoire en sait plus long là-dessus que toutes nos théories.

Trois noms, que l’Opéra-Comique vient de mettre en lumière, m’aideront à poursuivre ma démonstration : Bizet, Félicien David, M. Delibes, trois variétés diversement intéressantes d’une même espèce. Bizet, — toute l’Europe aujourd’hui le reconnaît et le proclame, je ne veux pas dire excepté nous ; — ce qu’il y a de certain pourtant, c’est que notre empressement envers sa gloire laisse à désirer et que cette partition de Carmen, qui, dans le steeple-chase du succès, arrive partout ailleurs toujours première, ne sera venue qu’en troisième au récent concours de l’Opéra-Comique. Lakmé l’a d’abord dépassée de deux têtes, puis la Perle du Brésil est arrivée seconde, et vous verrez que, cette fois