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bien plus vite que les étoffes de laine. Comme le fait remarquer M. Pettenkofer, l’élasticité des fibres est pour beaucoup dans cette persistance de la porosité : les fibres de la laine, même mouillées, ne perdent que très peu de leur élasticité et empêchent les pores de se fermer, tandis que les filamens du lin, du coton, de la soie, s’amollissent tout à fait sous l’influence de l’humidité et ne résistent pas à l’envahissement de l’eau. C’est pour cette raison que la laine mouillée nous refroidit beaucoup moins que le linge mouillé. Il est vrai qu’une chemise de toile ou de soie a pour elle d’être plus fraîche, parce qu’elle éponge plus complètement la sueur et la laisse évaporer.

Ces expériences, qu’il y aurait intérêt à reprendre et à multiplier le plus possible, nous font déjà apercevoir nettement l’influence capitale que l’écartement des fibres exerce sur les propriétés physiques des étoffes ; il faut évidemment considérer une étoffe comme un tissu formé de matière textile et d’air. Les propriétés des fibres elles-mêmes ne pourraient nous renseigner que d’une manière très incomplète sur les effets physiques que procurerait leur assemblage ; l’arrangement des fibres, le mode d’apprêt, voilà, le plus souvent, le point important. Il y a lieu de croire qu’en cherchant dans cette voie, encore si peu explorée, on arriverait à des résultats d’un certain intérêt qui permettraient de mieux utiliser quelques-unes des innombrables matières textiles que la nature a mises à la disposition de l’industrie[1].

Les hygiénistes, en parlant de diverses étoffes, se contentent d’ordinaire de les classer vaguement par ordre de « conductibilité, » en désignant par ce mot la facilité plus ou moins grande qu’elles paraissent offrir au passage de la chaleur. On admet que la conductibilité décroît dans l’ordre suivant : lin ou chanvre, coton, soie, laine. Les tissus fabriqués avec le lin, le chanvre et le coton sont réputés les plus frais ; ils se mouillent aisément et refroidissent la peau à la fois par conductibilité et par évaporation. « La toile de chanvre et de lin est donc, dit M. Bouchardat, de toutes les matières destinées aux vêtemens, celle qui favorise le plus les affections résultant de l’impression humide sur la peau. » Mais, pour beaucoup de personnes, cette fraîcheur, cette douceur de la toile est un avantage des plus appréciés.

Le tissu de coton laisse moins échapper de chaleur, absorbe et retient une partie de la transpiration et se refroidit moins vite par évaporation ; son usage est en général plus avantageux que celui de la toile. Une opinion très répandue veut que le coton soit moins sain que le chanvre ou le lin : cette opinion, ou ce préjugé, tient à

  1. Bernardin, Nomenclature usuelle de 550 libres textiles. Gand, 1872.