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à 6 pour 100 ; le doublement des enveloppes de peau de daim, de flanelle, de drap plus ou moins épais, diminuait la perte de 10, de 20 et même de 30 pour 100. Le résultat le plus clair de ces expériences, c’est que la résistance que les étoffes opposent au passage de la chaleur dépend beaucoup moins de la conductibilité des fibres textiles qui en forment la substance que de l’épaisseur, du volume, de la contexture des tissus. C’est ce qu’on peut aussi mettre en évidence en observant le refroidissement du cylindre enveloppé d’une couche d’ouate ; dès que la ouate est fortement comprimée, la dépense de chaleur augmente de 40 pour 100. C’est pour cette raison qu’une robe de chambre ouatée, un gilet de flanelle épais, sont plus chauds lorsqu’on les met pour la première fois qu’après avoir été portés quelque temps. Le tassement qui rapproche les filamens rend l’étoffe plus perméable à la chaleur.

Si le doublement de l’enveloppe a peu d’influence quand les deux couches sont bien tendues et serrées contre le cylindre, il n’en est plus de même lorsque, entre la seconde et la première, on laisse un demi-centimètre ou un centimètre d’intervalle. Dans ce cas, défalcation faite de ce qui est dû à la conductibilité des deux couches réunies, on constate un retard du refroidissement qui s’élève à 30 ou 35 pour 100, et qui vient de la couche d’air interposée, puisqu’il est indépendant de la nature des enveloppes. Il s’ensuit que, dans certains cas, un vêtement nous tiendra plus chaud s’il est ample que s’il est collant ; on sait que les gants trop justes, les souliers trop étroits, protègent mal contre le froid. Mais ce raisonnement suppose que la couche d’air protectrice reste immobile ; or le plus souvent un vêtement ample et flottant favorise la circulation de l’air, et il nous parait dès lors moins chaud ; c’est pourquoi on le préfère en été, et sous les climats tropicaux.

Nous voilà toujours ramenés à ce fait capital que l’obstacle le plus sérieux que puisse rencontrer la propagation de la chaleur dans un corps est la discontinuité de ses élémens. Cela se comprend si l’on songe que la chaleur est un mouvement : tout ce qui dérange la continuité moléculaire contrarie la transmission des vibrations. La chaleur passe difficilement lorsqu’elle est obligée de sauter d’une fibre à l’autre en traversant des intervalles occupés par un fluide mauvais conducteur ; sa marche est retardée par tous ces transbordemens. Les vibrations sonores sont aussi arrêtées par les corps très divisés, tels que les tissus épais dont on fait les rideaux et les portières. L’expérience de tous les jours nous fournit mille preuves de cette influence de l’état de division des matières. Tout le monde sait à quel point la cendre, le sable sec, le charbon pilé, la paille, sont propres à empêcher la transmission de la chaleur.