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l’accorde pour les premières années du IVe siècle. On ne la nie pas absolument pour les dernières années du IIIe. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas la faire remonter Jusqu’au milieu de ce siècle. Les démonstrations ou négations de M. Roller sur nombre de points de doctrine sont nécessairement approximatives, comme la chronologie des monumens qui leur sert de fondement. « Dans la pratique de l’invocation des saints, écrit M. Roller, la dévotion des gens du peuple devança naturellement celle des représentans de l’église. Les prédicateurs et les panégyristes la suivirent de près. Les docteurs ne vinrent qu’ensuite, plus ou moins vite, chacun suivant son caractère. Mais l’église officielle elle-même, dans les décisions de ses conciles et les documens publics de sa foi, tels que le rituel et les liturgies, a certainement cheminé d’un pas plus lent encore. » L’observation est fine et juste. Mais la croyance a l’intercession des saints et des martyrs attestée et partagée par Origène, le plus savant et le plus illustre docteur du IIIe siècle avant l’année 250, n’implique-t-elle pas leur invocation ? La logique des masses n’attend pas que l’autorité mette des conséquences en décrets, elle s’en charge. Et, d’autre part, le christianisme n’est pas un fruit d’autorité : il est, en grande partie, une œuvre anonyme, il est, dans ses traits essentiels, le fils de la conscience populaire.

Dans deux chapitres de son second volume, M. Roller a donné près de quatre-vingts épitaphes funéraires déjà publiées et qui viennent toutes des catacombes. Beaucoup qui portent le monogramme constantinien, employé en guise de mot, sont du IVe siècle, quelques-unes sont antérieures, vraisemblablement les plus courtes et les plus simples. On y lit : « Vis en Dieu. Vis toujours en Dieu, chère âme. Vis dans le Seigneur Jésus. Vis dans le Christ et en Dieu, Vis dans le Christ Dieu. » La formule sans la particule et, se demande M. Roller, serait-elle un écho des doctrines de Noët et des sabelliens, qui ne distinguaient pas la personne du Christ de celle de Dieu ? A mon avis, rien n’est plus douteux. Sur une tombe d’un enfant : « Mon cher enfant, prie pour moi, en Dieu Christ. » — Sur une autre d’un enfant de treize mois : « Tourtereau sans fiel, en paix au nom du Christ. J’habite l’éternité. » — D’un autre, on lit : « Pascasus a accompli sa destinée : fatum fecit ; déposé en paix. » Un autre marque ses regrets et son deuil ; sur une autre tombe, on lit : « Que nul gémissement ne soulève les poitrines. ; que les larmes cessent de couler des yeux. — Que les esprits de tous les saints te reçoivent dans la paix, etc. » M. Roller appelle ces inscriptions funéraires : épitaphes dogmatiques. Titre bien ambitieux ! Ce sont tout simplement des épitaphes chrétiennes qui attestent la foi en la