Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bouche de Jésus trop peu riches d’idées morales ou religieuses ? Ces faits de l’histoire évangélique et ces paraboles qu’on y lit, les artistes chrétiens les fixaient sur les parois des chambres sépulcrales ou sur le marbre des sarcophages pour glorifier Jésus, rappeler aux yeux le maître de la piété nouvelle et sa puissance, édifier les âmes, témoigner de la foi de ceux qui reposaient là et de la foi commune. Le bon berger avec sa brebis sur l’épaule, la vigne, le pain, la colombe sans nul doute, sont des symboles, mais d’abord ils sont d’extrême simplicité, ensuite ils ont passé de l’évangile dans les catacombes et ne disent ni plus ni moins dans les catacombes que dans l’évangile. Pompéi et les ruines du Palatin gardent, on le sait, des restes de fresques antiques où ne manquent ni l’esprit dans l’invention ni l’aisance et la grâce dans l’exécution. Plusieurs des sujets qui y sont traités sont empruntés soit aux vieilles légendes religieuses du paganisme, soit aux poétiques récits des temps héroïques de la Grèce : ainsi la Naissance de Castor et de Pollux, — Adonis blessé, — Hercule ivre avec de petits Amours qui lui grimpent aux jambes ou jouent avec sa massue, — Achille reconnu par Ulysse, — Hermès surprenant Argus qui garde Io, — le Jugement de Pâris, — Apollon et Daphné, — Thésée après le meurtre du Minotaure, — Bacchus et Ariane, — Mars, Vénus et l’Amour, — Vulcain présentant à Thétis les armes d’Achille, et tant d’autres. Quand ces tableaux furent peints, il y avait longtemps que la symbolique s’exerçait sur les légendes sacrées et y cherchait un sens moral. Or qui serait fondé à croire que les auteurs de ces tableaux aient pris souci des explications sorties de l’école de Varron ? Ils cherchaient dans ces vieux thèmes d’agréables motifs décoratifs. Certes les peintres des catacombes romaines n’ont pas pris les histoires bibliques avec la même indifférence. Ils se sont inquiétés uniquement des vœux des morts et de la piété des frères vivans. Une pensée profondément religieuse les a inspirés et non la frivole ambition de décorer des chambres mortuaires. Mais, à part la profondeur de foi sentie ou exprimée et le dessein d’édification, ils ont puisé aux écritures chrétiennes avec la même naïveté d’artiste que les peintres de Pompéi et du Palatin usaient des légendes païennes. Des deux côtés, avec la foi en plus ou en moins, c’est de l’histoire religieuse figurée, non de la théologie enseignée emblématiquement. L’art ne paraît guère propre à ce rôle.

Il me sera permis de remarquer enfin qu’une des rares fresques des catacombes à laquelle on laisse un caractère purement historique est la scène qu’on regarde comme un épisode des persécutions, la comparution et le jugement d’un ou de deux fidèles devant un personnage debout et menaçant sur une estrade et la tête laurée. Un