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priaient de les guérir, Jésus-Christ ne parlait pas des mystères de l’imitation, il ne leur demandait pas s’ils avaient été baptisés, mais seulement s’ils venaient à lui avec une foi véritable[1], M. Roller aimerait assez à voir d’ans une de ces images sculptées un pareil enseignement. « L’exemple du paralytique de Béthesda, choisi par l’artiste, écrit-il, n’indiquerait-il pas que c’est la foi qui sauve et non la cérémonie et que la grâce du Seigneur avec ou sans l’immersion suffit au salut ? » Il ajoute avec un grand sens : « L’artiste probablement n’avait pas tant de choses dans l’esprit, et il n’avait peut-être pas pensé au détail de la non-immersion du paralytique. » De même, la représentation du miracle des noces de Cana, et celle de la multiplication des pains, sous la plume de trop spirituels interprètes, perdent leur sens littéral défaits de l’histoire évangélique présentés aux yeux, pour exprimer on ne sait quelles idées théologiques. Bien plus, les symbolistes dans ces images de pieuse décoration de sarcophages, sculptées peut-être d’avance et d’usage banal, avec les bustes préparés et ébauchés de l’imago clypeata, comptent les vases, les corbeilles et les pains et trouvent des raisons mystiques pour expliquer tel on tel nombre. Il me paraît qu’il y a énormément de fantaisie dans le symbolisme à outrance et qu’il y en a encore trop dans le symbolisme mitigé, et qu’en général il n’y a lieu d’allégoriser et de voir des emblèmes dans les catacombes que quand on ne peut pas faire autrement.

Sans doute on trouve beaucoup d’images et de figures dans l’Ancien Testament et nombre de paraboles dans le Nouveau. C’est pour cela que les deux sont une mine inépuisable pour les arts du dessin et prêtent si aisément aux représentations plastiques. De bonne heure et avant même qu’il fût question du christianisme dans le monde, il parut à de savans juifs nourris de la moelle de Platon que toutes les expressions et toutes les histoires des Écritures hébraïques ne sauraient être prises au pied de la lettre, que le grossier anthropomorphisme qu’on y rencontre devait être spiritualisé et qu’on ne pouvait sauver quantité de récits étranges ou choquans qu’en leur donnant un sens figuré. De là l’école des allégoristes, dont Philon le Juif, au commencement du Ier siècle de notre ère, fut sinon le fondateur, au moins le plus illustre représentant. Cette méthode d’interprétation des livres saints s’introduisit dans l’église d’Alexandrie, plus hardie et plus savante que les autres, et y fleurit dans les premières années du IIIe siècle avec Clément et surtout avec Origène, le plus large et le plus profond esprit de son temps. M. Roller, que son sens historique ne préserve pas assez

  1. Voir notre étude, Polyeucte dans l’histoire, page 29.