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par M. Morley. Cobden a été, dans ce moment très critique, le témoin de notre sincérité, l’avocat de la France en même temps qu’il était l’avocat de la paix, le serviteur, également fidèle, des deux grandes nations qu’il voulait unir par le double lien des sentimens et des intérêts. Nous lui devons, Français et Anglais, toute notre gratitude.

Cobden quitta Paris au mois de décembre et il alla passer l’hiver à Alger. Ce fut là qu’il reçut de lord Palmerston une lettre, datée du 26 mars 1861, par laquelle offre lui était faite, au nom de la reine, d’un titre de baronet ou d’un siège au conseil privé en considération des services qu’il avait rendus pour la conclusion du traité de commerce. Il n’eut même pas l’embarras du choix. Il refusa, comme on devait s’y attendre, et le parchemin et la sinécure.


V

Cobden revint à Londres et reprit son siège à la chambre des communes avant la fin de la session de 1861. Le traité de commerce lui avait rendu sa popularité. Le lord-maire lui donna un banquet. Les représentans de la haute banque, des villes industrielles et des associations ouvrières lui remirent des adresses de félicitations. Au parlement, ses collègues l’accueillirent avec cette déférence respectueuse qui, dans la vie politique, ne s’accorde qu’aux hommes dont le désintéressement et la sincérité s’imposent à tous les partis ; — ces hommes-]à sont rares. Il ne prit, d’ailleurs, qu’une part très restreinte aux discussions de la chambre ; il prononça un seul discours avant la clôture de la session ; ce fut pour appuyer la suppression des droits sur le papier. Cette question avait, à ses yeux, une grande importance. Il voulait l’abolition de la taxe, non-seulement parce que celle-ci frappait une matière première de l’enseignement, mais aussi parce qu’elle favorisait le monopole de l’ancienne presse et s’opposait à la création de journaux populaires. Il répétait souvent que la presse à bon marché pouvait seule faire l’éducation politique du peuple et préparer sans péril les grandes réformes.

La session de 1862 vit renaître, à propos de la guerre civile qui venait d’éclater aux États-Unis, les discussions de droit international que Cobden avait précédemment soulevées dans ses motions persistantes pour l’organisation d’un arbitrage. Elle fut également consacrée à l’étude des plans de défense que lord Palmerston ne se lassait point de présenter à la chambre. Cobden intervint très activement dans ces deux débats. A l’origine du conflit américain, ses sympathies penchaient plutôt vers le parti des états du Sud, qui