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malade… Mais il ne s’agit pas d’examiner ici les causes ni les conséquences de la campagne de Crimée : nous n’avons à nous occuper que de Cobden. L’avocat de la paix ne broncha pas sous l’impopularité ; il ne céda rien aux passions du moment ; il se laissa vilipender et injurier par les journaux de Palmerston et, ne pouvant plus discuter utilement, il garda le silence. — En avril 1856, pendant que le congrès de Paris poursuivait ses travaux pour le rétablissement de la paix européenne, Cobden fut cruellement frappé dans ses plus chères affections. Il perdit son fils, âgé de quinze ans. Ce fut pour lui une immense douleur. Il avait à un haut degré les vertus de famille. Il dut se consacrer tout entier aux soins que réclamait l’état d’accablement où se trouvait Mrs Cobden et il passa plus d’un an à Dunford, retiré de la politique.

Cobden ne reparut au parlement qu’au mois de février 1857. C’était encore une question de paix ou de guerre qui l’y ramenait. En diverses circonstances, il avait blâmé les procédés violens de fonctionnaires anglais dans les contrées de l’extrême Orient ; il avait critiqué la guerre déclarée aux Birmans, les massacres de Bornéo ; il s’était constitué le défenseur des faibles contre les abus et les empiétemens d’une administration coloniale qui, dans ses rapports avec les peuples indigènes, se croyait dégagée de tous scrupules. Il était, du reste, convaincu que l’influence de l’Angleterre et les intérêts du commerce seraient mieux gardés par une politique humaine que par la force. Il éprouva donc une vive émotion, lorsqu’il vit qu’à propos d’une querelle sans importance, qui aurait dû être étouffée sur place, lord Palmerston allait faire la guerre aux Chinois, il accourut à la chambre des communes, et, le 26 février 1857, il proposa une motion qui équivalait à un blâme contre le cabinet. Cette fois Cobden eut gain de cause, non point, hâtons-nous de le dire, parce qu’il avait raison, mais parce que la majorité ministérielle s’était peu à peu désunie et que les divers groupes de l’opposition, coalisés sous la conduite de M. Disraeli, de lord John Russell et des peelites, saisirent habilement l’occasion d’infliger un échec à lord Palmerston. On laissa Cobden porter les premiers coups, et les plus rudes. Palmerston répliqua avec beaucoup d’aigreur ; il n’en fut pas moins battu par une majorité de seize voix. La démission du ministère s’imposait, ou la dissolution de la chambre. Lord Palmerston opta pour la dissolution, comptant prendre sa revanche devant les électeurs. La revanche fut complète. Aux élections qui eurent lieu au mois de mars 1857, les avocats des Chinois restèrent pour la plupart sur le carreau. Cobden, certain de ne pas être réélu dans la circonscription de West-Riding, s’était porté candidat au bourg de Huddersfield ; il n’obtint que