que le souvenir des souffrances que Jean. Ciudad a endurées à l’hôpital royal de Grenade a déterminé leur résolution de se consacrer d’abord aux fous ; après la maison de Lyon, ils en ouvrent une à Lommelet, près de Lille, en 1826, et une autre à Dinan, 1833, non loin de Saint-Servan, où l’œuvre des Petites-Sœurs des Pauvres allait germer.
Ils ne sont venus que tard à Paris ; on dirait qu’ils ont reculé devant les tracasseries administratives qui pourraient les atteindre et entraver leur action. Sans nul doute, ils eussent voulu avoir un véritable hôpital, l’organiser, l’outiller et, selon la tradition de leur ordre, y recevoir tous les malades ; mais les terrains, les constructions sont chers à Paris la trop peuplée ; il fallait d’abord se faire accepter de nouveau par une population volontiers oublieuse des bienfaits reçus et commencer par « une opération » qui, en assurant quelques ressources, permettrait de tenter une œuvre de charité pure. En 1842, on fonda une maison de santé. Elle existe toujours et elle a du renom dans le monde médical. À proximité du boulevard des Invalides, non loin de la maison mère des frères de la Doctrine chrétienne, les frères de Saint-Jean-de-Dieu se sont installés dans la rue Oudinot, qui, avant d’être baptisée de ce nom glorieux, fut d’abord le chemin de Blomet, puis la rue Plumel et enfin la rue Plumet. La maison est de chétive apparence et, malgré un revêtement en pierres de taille, on s’aperçoit qu’elle n’est pas jeune : porte bâtarde, couloir étroit, petit parloir luisant, maigrement meublé, obscur, décoré de quelques estampes de sainteté et d’une pendule de bronze en forme de cathédrale. C’est là que le révérend père provincial reçoit les personnes qui ont à lui parler. La tête est intelligente et calme, la voix est très douce et le geste a une certaine fermeté résignée qui semble, pour toutes choses, s’en remettre à la volonté de Dieu. Le costume est simple, tous les frères le portent indistinctement : robe de bure noire serrée par une ceinture en cuir, le scapulaire et le capuce ; c’est l’habit d’intérieur ; dehors, on revêt la soutane. Les chambres sont spacieuses et aérées, munies de tous les meubles qui peuvent être utiles à un malade ; c’est assez gai, lumineux et moins « sec » que les chambres de la Maison municipale de santé. L’attrait de la maison, c’est le jardin, qui est admirable, avec des quinconces, de larges plates-bandes et un immense promenoir en forme de gloriette assombrie de vigne vierge qui permet aux convalescens de respirer à l’ombre pendant les jours de soleil. Le jardin n’est séparé que par un mur de la rue Rousselet, dont il occupe tout un côté. Il y a là de la place pour s’agrandir, pour construire des annexes, qui deviennent indispensables ; mais on n’ose pas ; il y a des bourrasques dans l’air et l’on attend que