Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 58.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intéressent l’histoire et la littérature du moyen âge ; Rome, par tant de ressources, peut suffire à épuiser seule plus d’un vaste sujet, et à satisfaire plus d’une vie de savant. On peut s’y enfermer et, de là, suivre l’histoire du monde. Cicéron disait déjà : « L’histoire se fait ici ; ce qui arrive autre part, on l’ignore[1]. » On aurait presque le droit d’en dire autant, à cause de cela même, des monumens de l’histoire : ils sont ici ; peu de chose ailleurs.

Ne parlons pas même, dans cette seule Rome, des archives conservées dans les grandes familles, ni de celles des corporations supprimées, qui forment désormais un Archivio di stato déjà formidable, ni de celles des paroisses et des confréries, ni de celles des notaires, ni de celles d’une aussi puissante maison que la Propagande[2]. Ne considérons que le seul Vatican. N’y comprenons pas la basilique de Saint-Pierre, de laquelle dépendent bien des archives spéciales : par exemple, celles des chanoines, d’où l’un des nôtres, M. Müntz, a tiré grand profit pour l’histoire des arts ; celles de la basilique proprement dites ; celles du maître de la chapelle pontificale, probablement avec des trésors d’ancienne musique inédite, celles du maître des cérémonies, peut-être avec la série des relations rédigées par les successeurs de Burckhardt ; celle de la rote enfin, avec les dossiers de tant de procès depuis le XVIe siècle. Ne considérons que les richesses accumulées dans le palais pontifical, c’est-à-dire la célèbre Bibliothèque vaticane et l’Archivio segreto.

On sait quelle place importante était réservée dans les anciennes villas romaines à la bibliothèque, dont le tabularium ou archives n’était qu’une annexé, on sait de quel luxe et de quels soins elle était entourée. Les portiques en étaient pavés de marbres verts, parce que

  1. Romæ tam multa geruntur ut vix en quæ fiunt in provinciis audiantur.
  2. Celui qui aurait la patience d’étudier les archives des notaires romains y recueillerait indubitablement de précieuses lumières sur la topographie. Il retrouverait, en remontant d’âge en âge, les titres des propriétés, et donnerait les moyens d’identifier beaucoup de dénominations anciennes. Ainsi seulement peut-être on parviendrait à commenter la carte précieuse, mais inexpliquée, de Rome au commencement du XVIe siècle par Bufalini. — Parmi les archives des confréries, celles de saint Jean Décollé doivent posséder d’intéressans papiers relatifs aux supplices, puisque cette confrérie accompagnait et assistait les condamnés. Peut-être est-ce là qu’il faut chercher ce qui nous manque du procès de la Cenci. — J’avais espéré, de rencontrer de curieuses relations dans les archives de la petite église de l’Oraison-de-la-Mort, voisine du palais Farnèse, la confrérie ayant jadis pour principal objet d’aller rechercher dans le désert redoutable de la campagne romaine les victimes de la faim ou du brigandage. Il n’y reste plus, outre quelques peintures modernes représentant les miracles revendiqués par la confrérie, que d’insignifians rapports. — Je n’ai pas été plus heureux pour les archives de l’ordre de Sainte-Brigitte ; je les ai retrouvées à Sainte-Marie du Trastévère, mais dépouillées et fort réduites, et cela depuis longtemps, comme l’attestent les procès-verbaux d’une ancienne visite pastorale. — Il n’y a plus guère de documens anciens dans les archives du grand hôpital de (Santo-Spirito in Sassia, qui fut le centre d’un ordre si puissant au moyen âge.