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de ces hommes était à la hauteur de leur talent. On sait la modestie des bénédictins. Leurs noms sont omis dans beaucoup de leurs œuvres et quelquefois même dans les courtes inscriptions de leurs tombes. Ils vivaient dans la retraite, poursuivant leur tâche sans découragement à travers les agitations publiques. La persécution s’étendit sur eux, et ils montrèrent la même constance. De tels hommes ont imprimé à notre école historique le cachet qui la rend reconnaissable et qu’elle doit conserver, à savoir l’alliance d’une instruction précise et variée avec une critique prudente, avec le talent de la généralisation, avec l’esprit philosophique. Ils ont enseigné la vraie méthode. Ils ont cultivé les lettres anciennes, mais de préférence notre histoire nationale pendant les siècles du moyen âge.

Nous avons reçu d’eux un très riche héritage. L’Académie des inscriptions estime que c’est pour elle un devoir patriotique, un honneur et en même temps une charge suffisante de reprendre et de continuer quelques-unes des œuvres commencées par eux. L’École des chartes se rattache directement à leur tradition, et ceux des pensionnaires de l’École française de Rome qui se vouent à l’étude du moyen âge doivent rechercher en particulier leurs traces et observer leurs maximes. À ces conditions, ils ont le droit, ils ont le privilège de se prévaloir devant l’étranger de ces respectables souvenirs, et du secours que leur offrent ceux des maîtres contemporains qui reproduisent de tels exemples. Notre temps a, en effet, connu de vrais bénédictins, pour la science et le caractère : il ne serait pas difficile de les nommer. Un d’entre eux, dont le nom retentissait hier encore à propos d’une importante revendication littéraire, est devenu par sa ferme méthode, sa critique clairvoyante, sa profonde instruction, sa sincère bonté, un des meilleurs guides de la jeunesse savante : l’École française de Rome a eu en lui, quant aux études du moyen âge, le plus affectueux et le plus utile conseiller.

Pour qui l’étudie avec les ressources que Rome peut offrir, le moyen âge est infiniment varié dans son immense étendue. Il doit comprendre les antiquités chrétiennes, qu’on n’observera mieux nulle part ailleurs ; l’histoire générale, l’histoire des lettres et des arts, peuvent espérer de là beaucoup de nouvelles informations. Il doit se prolonger jusqu’à la dernière partie du XVe siècle, date d’une renaissance qui inaugure le monde moderne. De ce vaste champ, Rome et l’Italie sont par elles-mêmes des fractions singulièrement fécondes ; leurs musées et leurs archives contiennent ce qu’il faut de lumière pour l’éclairer tout entier.