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pouvoirs et de vouloir administrer, de Paris, notre colonie africaine à la façon dont trop de députés tendent à gérer les affaires de leur arrondissement. Alger, Oran, Constantine, c’est un peu plus que Carpentras, Brives-la-Gaillarde, ou Quimper-Corentin, et beaucoup de bons esprits, je crois pouvoir ajouter, beaucoup d’excellens républicains, répugneraient extrêmement à voir le gouvernement de l’Algérie indirectement remis aux mains de ses représentans.

Parlons en toute vérité : l’opinion publique a été surprise et désappointée, je ne voudrais pas dire scandalisée, quand elle a appris à quelles conclusions était arrivée la commission spéciale formée, le 24 novembre 1880, par M. Coastans, ministre de l’intérieur à l’effet D’étudier les modifications à apporter au fonctionnement du gouvernement de l’Algérie, commission dans laquelle figuraient les sénateurs et les députés de l’Algérie. Cette commission s’est divisée en deux sous-commissions chargées : « la première de s’occuper du régime des lois et décrets ainsi que du rôle et des attributions du gouverneur-général » (les sénateurs et députés en faisaient partie) ; la seconde avait pour mission « d’étudier le rattachement des services administratifs de l’Algérie aux ministères correspondans. » A la nouvelle de la nomination de cette commission extra-parlementaire, l’émoi fut grand en Algérie, particulièrement au sein du conseil supérieur, qui était en pleine session, et plus particulièrement encore parmi les délégués élus des conseils-généraux. Le mouvement d’opinion contre ce qui se préparait à Paris fut trop vif pour que les membres de droit et les chefs des services publics songeassent à s’y opposer. Tout le monde se trouva d’accord pour envoyer immédiatement à M. le ministre de l’intérieur et au gouverneur-général une dépêche télégraphique émettant le vœu : « qu’aucune décision de principe sur les questions d’organisation de l’administration algérienne ne fût prise avant que le conseil supérieur ait pu formuler en temps utile son avis sur les solutions à intervenir[1]. » Les délégations des trois départemens furent invitées, séance tenante, à se réunir pour exprimer, avec l’autorité qui leur appartenait, « leur conviction profonde et raisonnée sur les dangers de l’amoindrissement des pouvoirs du gouverneur général et du rattachement des grands services publics à la métropole[2]. » La démarche n’était pas inopportune, mais elle devait avoir le désagrément de n’amener, en réalité, aucun résultat.

  1. Procès-verbaux des délibérations du conseil supérieur (session de décembre 1880, page 23).
  2. Ibid., page 294.