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aperçois pas ici la nécessité. Ainsi que nous l’avons précédemment établi[1], la Société protectrice des Alsaciens-Lorrains est en train de rentrer journellement dans les avances faites à ses colons au moyen des emprunts que ceux-ci contractent auprès du Crédit foncier de France. Cette administration avait, au début, témoigné quelque hésitation, ayant des craintes pour la sécurité de son gage. Aujourd’hui elle n’en éprouve plus aucune. Tout se passe vite et très régulièrement. Entré dans le cabinet du directeur de la succursale d’Alger n’ayant que la qualité de propriétaire éventuel de sa concession, le colon en sort muni de son titre de propriétaire définitif, quand il a, séance tenante, remis au représentant de la société, sur l’argent qu’il vient de recevoir, le montant de sa dette. Le plus souvent, il lui reste encore une petite somme qu’il peut appliquer à son exploitation agricole. On me dit que M. Tirman est en train d’étudier un ensemble de mesures qui auraient pour effet d’arriver aux mêmes résultats ; dans l’intérêt de la colonisation, je m’en réjouirais beaucoup.

On voudra bien reconnaître que je n’ai pas pris sur moi de proposer de mon chef les modifications qu’il conviendrait d’introduire dans le projet de loi des 50 millions. Elles ressortent avec une évidence qui me parait manifeste soit du récit que j’ai fait des expériences autrefois tentées sans succès, soit de l’exposé des discussions ouvertes au sein du conseil supérieur, et qu’en raison de leur importance, j’ai également tenu à reproduire avec quelque étendue. Mais si l’on était décidé à ne pas retomber dans les erreurs du passé, si l’on consentait à tenir compte des sages avis de tant d’hommes considérables dont on ne saurait nier la compétence et les lumières, je ne me sentirais pas autrement effrayé de cet octroi d’une grosse somme d’argent destinée à continuer l’œuvre officielle de la colonisation. Les représenteras de l’Algérie remplissent un rôle naturel et qui leur fait honneur quand ils cherchent à provoquer la générosité du parlement en faveur de notre colonie, mais je crois qu’ils en sont malencontreusement sortis le jour où ils ont produit un programme d’exécution élaboré de toutes pièces au sein d’une commission du budget et qu’ils empiétaient ainsi sur les prérogatives les plus essentielles de tout gouvernement tenant tant soit peu à se faire respecter.

Quant à la combinaison en elle-même qui répartirait uniformément, et par quotité égale, les 50 millions et les trois cents fermes entre les trois départemens d’Alger, d’Oran et de Constantine, elle est vraiment inacceptable ; elle irait même contre les intérêts bien compris de ces trois régions, dont la situation économique est

  1. Voyez la Revue du 1er juin.