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IV

Si le lecteur a pris la peine de suivre avec patience les développemens de cette trop longue étude, il peut, ce me semble, pressentir quelles en vont être les conclusions. En thèse générale, je ne suis point partisan de l’intervention de l’état dans les matières qui ne le concernent pas directement. Je crois avoir suffisamment démontré à quels résultats dispendieux et toutefois assez chétifs le gouvernement a toujours abouti chaque fois qu’abandonnant son rôle naturel de protecteur des intérêts généraux de l’Algérie, il a pris sur lui la tâche de s’y faire entrepreneur de colonisation. Les auteurs du projet de loi, qui consiste à emprunter 50 millions pour créer trois cents centres, en conviennent volontiers ; mais, pour justifier le nouvel effort qu’ils veulent imposer à l’administration, ils affirment que les terres manquent, ou vont manquer absolument. De là l’obligation de les acheter au plus vite de peur d’avoir plus tard à les payer trop cher. Cette assertion est-elle bien fondée ? Il n’y paraît point. Jusqu’à présent, les renseignemens précis faisaient défaut.. On ignorait, ou à peu près, le nombre et la valeur des terres appartenant au domaine. Il avait fallu se contenter des affirmations vagues et quelquefois contradictoires des gouverneurs qui se sont succédé en Algérie. M. Tirman, d’après ce que j’ai lu dans un journal algérien d’ordinaire bien informé, aurait fait dernièrement dresser un tableau arrêté au 31 décembre 1883 qui donnerait les chiffres suivans, divises en quatre catégories : 1° celle des terrains susceptibles d’être affectés directement à la colonisation ; 2° celle des terrains à. utiliser pour échanges ; 3° celle des terrains qui peuvent être vendus à bref délai ; 4° celle des terrains improductifs et sans valeur, soit pour vente, soit pour échanges.

Ces chiffres varient singulièrement d’un département à l’autre. Pour Alger, les terrains des trois premières catégories se montent à 21,862 hectares ; pour Oran, à 15,171 hectares ; pour Constantine, ils s’élèvent à 274,946 hectares. Laissant de côté les départemens d’Alger et d’Oran, où les ressources territoriales, évidemment trop restreintes, ne permettent l’établissement que d’une dizaine de villages, six à Alger et quatre à Oran, les 274,946 du département de Constantine, qui se décomposent en 95,179 hectares susceptibles d’être immédiatement affectés à la colonisation, 91,542 propres à être échangés et 88,225 destinés à être vendus, ouvrent à eux seuls un large champ à l’exploitation agricole dans des contrées