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civile investie d’un droit de veto absolu, — obligation pour tous les fonctionnaires ecclésiastiques de subir les examens des universités de l’état, — institution d’une cour spéciale composée de laïques pour juger les évêques et les prêtres récalcitrans ; tout ceci couronné enfin d’une disposition dernière interdisant, sous peine de bannissement, aux ecclésiastiques non autorisés de dire la messe ou d’administrer les sacremens. Le chancelier, en s’armant d’une telle dictature, agissait visiblement par un calcul politique. Il n’a pas tardé à s’apercevoir que cette campagne, en se prolongeant, trompait toutes ses prévisions et lui faisait une situation presque impossible, tout au moins très difficile. D’un côté, il exaspérait les catholiques, offensés dans leur culte ; il suscitait cette opposition redoutable qui est devenue le « centre catholique » dans le parlement ; et tournait contre lui, contre sa politique, un des plus sérieux élémens conservateurs de l’empiré. D’un autre côté, par les idées qu’il paraissait patronner, par les alliances qu’il était obligé d’accepter, il donnait une force nouvelle aux partis libéraux, démocratiques ou progressistes. Peut-être aussi, à un certain moment, cette guerre l’a-t-elle gêné dans ses arrangemens diplomatiques avec l’Autriche autant qu’elle l’embarrassait dans ses combinaisons parlementaires pour la réalisation de ses nouveaux plans économiques et financiers. Toujours est-il qu’après avoir voulu la guerre par un calcul politique, M. de Bismarck s’est décidé pour la paix par des raisons également politiques.

Que M. de Bismarck soit décidé à cette paix religieuse depuis déjà quelques années, cela n’est point douteux ; c’est visible dans tous ses actes, dans les changemens ministériels accomplis sous ses auspices, dans ses relations avec les partis, dans ses tentatives pour rallier le centre catholique, comme dans ses rudesses pour les libéraux, pour les progressistes. Qu’il ait voulu néanmoins éviter de trop se livrer, garder une certaine liberté dans son évolution, c’est encore évident ; c’est le secret de toutes ses manœuvres. Il a procédé par tous les moyens, tantôt présentant des projets qui étaient une abrogation partielle ou une suspension des lois de mai, tantôt envoyant à Rome un plénipotentiaire de confiance, M. de Schlœzer, pour négocier avec le souverain pontife, pour mettre fin à ces vieux différends. Il n’y a que quelques mois, entre l’empereur Guillaume et le pape Léon, XIII, il y avait une correspondance significative, — pleine de cordialité, malgré quelques réserves, — qui attestait visiblement le désir Commun d’arriver à une entente reconnue nécessaire.

Au fond, dans ces négociations récentes, il s’agissait d’écarter des palliatifs désormais inutiles, d’aller droit à la difficulté, à tous ces veto, à ces vexations, à ces obligations ou interdictions qui hérissent les lois de mai, qui ont soumis depuis dix ans les catholiques allemands et leur église aux plus dures épreuves. M. de Bismarck, une