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suppression des aumôniers dans les hôpitaux, M. le ministre de l’intérieur n’a pas trouvé un mot à dire contre cette suppression ; il s’est retranché dans des déclarations insignifiantes ; et peu s’en est fallu qu’il n’ait représenté M. l’archevêque de Paris comme le seul coupable pour n’être point entré en négociations avec M. l’administrateur de l’assistance publique. Lorsqu’il y a quelques jours, M. le duc de Broglie, dans un discours aussi ferme que mesuré, a demandé compte au gouvernement de l’exécution de ses promesses au sujet de la neutralité religieuse dans les écoles, M. le président du conseil n’a pu répondre que par des récriminations qui ne prouvaient rien, par des amplifications qui déguisaient mal la violation de cette neutralité qu’il avait promise. Il n’a pas osé désavouer ces manuels dont M. le duc de Broglie signalait l’esprit, le caractère agressif, il ne le pouvait pas. C’est qu’en effet il n’est lui-même qu’un instrument de cette politique qui s’est résumée dans le mot de « guerre au cléricalisme. » Et comment veut-on que des ministres ainsi liés à une politique de guerre sous toutes les formes, supprimant eux-mêmes les traitemens ecclésiastiques, chassant la croix des cimetières et les aumôniers des hôpitaux, livrant les écoles à M. Bert, aient autorité pour défendre le concordat ? Il y a mieux : le ministère réussît-il par des raisons de tactique ou de circonstance à obtenir un vote favorable au concordat, il n’obtiendrait ce vote qu’en donnant de nouveaux gages, en multipliant d’un autre côté les vexations qui le mettraient un peu plus dans la dépendance des passions dont il est le serviteur. Et c’est là ce que M. le président du conseil appelle travailler à la pacification religieuse sous les auspices du concordat ! C’est là aussi ce que M. le ministre des travaux publics appelle « l’idée de gouvernement restaurée » depuis quatre mois et demi !

La vérité est que le ministère est obligé, pour vivre, de se soumettre aux mobilités, aux passions, aux exigences des partis qui forment une majorité incohérente. Il l’a prouvé plus d’une fois dans les affaires religieuses ; il l’a prouvé d’une manière peut-être plus significative encore dans cette affaire de la magistrature, où il a eu la faiblesse de se prêter sans conviction au vote d’une loi d’expédient et de ressentiment. S’il y a une chose évidente en effet, c’est qu’à tout prendre, M. le garde des sceaux aurait préféré soumettre aux chambres une réforme embrassant les diverses parties de l’organisation judiciaire. Pourquoi a-t-il laissé cette question du personnel prendre le premier rang, devenir l’objet unique de la loi qui vient d’être votée ? C’est en vérité bien simple ; c’était un moyen de s’assurer pour le moment une majorité en s’adressant aux passions, aux intérêts, aux calculs, aux cupidités de tous ceux qui attendent impatiemment depuis des années l’heure de l’exclusion des magistrats importuns et de la curée des fonctions judiciaires au profit des clientèles faméliques. Qu’une telle œuvre accomplie avec