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solide baignée par un immense océan, au point même où l’axe vient aboutir.

Si nous observons chacune de ces masses, nous n’aurons pas de peine à constater que c’est dans des conditions géographiquement semblables, toujours auprès d’une petite mer intérieure, aux approches, mais plutôt au nord du tropique du Cancer, entre le 35e et le 20e degré de latitude nord, que la civilisation est née, en Amérique et en Afrique comme en Asie. Le plus oriental de ces foyers civilisateurs doit être placé dans l’extrême Asie, en Chine, à portée de la mer du Japon. Il a pu, grâce à l’isolement, conserver jusqu’à nous son originalité native. Le plus occidental, mais aussi le plus récent, à ce qu’il semble, était situé le long des plages intérieures du golfe du Mexique, vers la région intermédiaire au Mexique et à l’Amérique centrale qu’on a nommée « Anahuac. » Il était en voie de rayonnement et de transformation au moment de l’arrivée des Européens en Amérique. Quoi qu’on ait pu dire, — et nous reviendrons sur ce point, — il était bien indépendant et purement autonome ; mais, trop faible et relativement nouveau, il ne résista pas au choc imprévu d’une civilisation plus avancée et d’une race plus forte.

Vers le centre de l’espace dont nous venons de jalonner les points extrêmes, toujours à la même latitude, plus anciennement qu’en Amérique et peut-être qu’en Chine, il faut placer encore deux centres civilisateurs dont nous relevons nous-mêmes incontestablement par plus d’un intermédiaire, il est vrai. D’une part, c’est l’Egypte, dans la vallée du Nil et tout près du Golfe-Arabique ; de l’autre, c’est la Mésopotamie, au fond du Golfe-Persique, c’est-à-dire la vallée de l’Euphrate allant rejoindre le Tigre pour se réunir à celui-ci en une seule embouchure. Ainsi, en revenant à la répartition continentale que nous admettions plus haut, chaque masse aurait eu son foyer civilisateur spécial, sauf l’Asie, qui en aurait eu deux, l’un en Chine, à l’extrême Orient, l’autre à l’ouest, entre la mer Caspienne, le Caucase et le Golfe-Persique. Mais il faut justement observer, — et cette observation n’est pas, selon nous, sans importance, — que ce second foyer est placé sur la ligne de suture qui joint les continens asiatique et européen, l’Océan indien, au lieu de se prolonger, comme les deux autres, jusqu’aux plus hautes latitudes, s’arrêtant au Golfe-Persique pour s’y terminer en cul-de-sac. Peut-être qu’autrefois la mer séparatrice s’avançait plus haut, de manière à rejoindre par la Caspienne et l’Aral une méditerranée asiatique aujourd’hui presque entièrement disparue. Quoi qu’il en soit, il est bien certain que ce groupement des principales races initiatrices, ce rapprochement de deux centres lumineux situés à portée l’un de l’autre, destinés à se pénétrer et à se confondre,