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partout où il rencontrait un passage ; mais, à mesure qu’il occupait l’espace ouvert devant lui, il s’est cantonné, et, à mesure qu’un de ses rameaux prenait racine dans l’une des stations qui se multipliaient à raison même de cette marche, à chaque point d’arrêt, l’homme subissait l’influence de cette localisation ; il revêtait par cela même les caractères particuliers d’où provient la race. C’est par suite de ce double mouvement d’expansion et de localisation que l’humanité est à la fin devenue telle que nous la connaissons ; il est impossible d’en douter. Grâce à une longue série de localisations successives ou simultanées, non-seulement les races se sont constituées, mais, par une alliance féconde du milieu et de la race une fois formée, par une culture progressive dont les âges anciens gardent le secret, les foyers civilisateurs se sont à la fin montrés inégaux en valeur, plus ou moins lumineux selon les cas. Il serait facile de marquer sur la carte l’emplacement de ceux qui jetèrent un jour une clarté assez vive pour la refléter sur d’autres peuples demeurés en arrière, mais attentifs au signal de leurs devanciers. Le nombre de ces centres de civilisation est, en réalité, fort restreint, et ils se trouvent justement répartis de la façon la plus significative.

Pour saisir ce qui suit et apprécier les conséquences des prémisses que nous allons poser, il ne faut pas perdre de vue la distribution des masses continentales. Il en existe trois, ou plutôt on observe trois groupemens principaux de l’étendue émergée. L’ossature fondamentale de ces masses remonte à une date des plus reculées et leur ensemble affecte une configuration de nature à frapper toute personne qui examinera attentivement une mappemonde. On voit alors qu’elles s’avancent et s’élargissent au nord de manière à se toucher dans cette direction ou à ne laisser entre elles que d’étroites passes, aux approches du cercle polaire arctique, et de manière aussi à circonscrire à l’intérieur de ce cercle une mer polaire centrale, formant un bassin entouré d’une ceinture discontinue de terres ou d’archipels dont l’exploration est à peine achevée, mais dont l’existence et la disposition ne sauraient être contestées. Descendons maintenant vers le sud, et nous verrons ces masses, rapprochées ou même soudées entre elles dans la direction boréale, l’Amérique du Nord, l’Europe, et l’Asie septentrionale, donner lieu à trois appendices, l’Amérique du Sud, l’Afrique et l’Australie, et ces appendices à leur tour s’atténuer graduellement et se terminer en pointe au sein d’une mer sans limite, l’Océan austral, bien avant d’atteindre le cercle polaire antarctique. A l’intérieur de ce dernier, remarquons-le, la disposition des terres est exactement l’inverse de celle qui caractérise le pôle boréal, et, au lieu d’une mer centrale, cernée d’une ceinture continentale, on rencontre une calotte