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Platon comme représentant la durée du peuple égyptien avant d’époque où vivait le philosophe athénien. Il y aurait donc en tout un intervalle de douze mille ans entre notre temps et celui auquel il est raisonnable de reporter les débuts de « la civilisation -égyptienne, — une des plus anciennes, sinon la plus ancienne de toutes celles qui se sont développées depuis l’apparition de l’homme.

À cette limite seulement commence le préhistorique, et c’est dans un passé bien plus reculé qu’il faut maintenant s’enfoncer. Sans données écrites, sans date même conjecturale, nous est-il possible d’en évaluer la durée ? Ici, remarquons-le, plus de monumens susceptibles d’interprétation directe, plus même de souvenirs traditionnels ; en fait d’indices, il ne nous reste à interroger que les seuls vestiges du passage de l’homme, et l’appréciation du rapport à définir entre ces vestiges et les œuvres de la nature. Celle-ci, il est vrai, peut être toujours consultée, parce que son activité ne s’arrête jamais. Ignorant le repos, elle dépose ses couches de sable, de limon, de cailloux ou de graviers, accumulées ou entremêlées, dans un ordre invariable et qui une fois inauguré ne saurait être interverti. C’est ce que l’on nomme une chronologie relative, dont il faut bien se contenter à défaut d’un chronomètre par années et par siècles, qui fait ici entièrement défaut. Il est maintenant acquis à la science que l’homme a traversé l’âge quaternaire tout entier ; établir la durée de cet âge, c’est fixer par cela même l’antiquité de notre race ; mais cette durée, sûrement très longue, peut-elle être évaluée en années, au moins approximativement, et par quelque procédé inspirant une certaine confiance ? C’est ce que se demande M. de Mortillet en formulant les conclusions de son livre.

À ce point de vue, bien des essais ont été tentés, et M. de Mortillet discute la valeur et la portée de chacun d’eux. Il a raison de repousser la théorie de la périodicité des phénomènes glaciaires, considérés comme conséquence de la précession des équinoxes et des variations d’excentricité de l’orbite terrestre, puisqu’aucune périodicité ne marque le retour, en géologie, des changemens qu’ont subis le climat et la configuration relative des continens, à travers les anciennes périodes. Ce sont, au contraire, des phénomènes successifs, dépendant d’une cause toujours active à partir d’un âge des plus reculés et n’ayant jamais cessé d’exercer son influence dans un sens déterminé, celui de l’abaissement continu de la température, d’après une échelle graduée dans un ordre inverse de celui des latitudes, — le pôle ne s’étant, à ce qu’il semble, jamais déplacé.

Les cercles d’accroissement de certains arbres qui ont poussé sur des ruines en Amérique, les deltas d’embouchure qui avancent graduellement, la superposition des lits d’alluvions, crût donné lieu à