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demander une analyse au laboratoire. On a autorisé le dépôt des échantillons dans tous les bureaux des commissaires de police ; les voitures cellulaires les apportent ensuite à la préfecture. Au premier cas, lorsqu’un expert de la police a dénoncé une marchandise prise chez le marchand, nous avons vu que l’examen fait au laboratoire a une sanction : la poursuite exercée par le parquet. Quand un particulier vient se plaindre, cette sanction manquera presque toujours : le parquet ne poursuivra pas. En effet, rien ne prouve absolument que le vendeur accusé ait fabriqué, ou mis en vente, le produit falsifié, dès que ce produit est entré dans la maison de l’acheteur. Ce dernier peut bien souvent être le vrai coupable. Par exemple, un débitant peut fort bien avoir lui-même mouillé son vin, et en accuser son fournisseur en gros. En tous cas, le vendeur refusera de reconnaître sa marchandise, et l’acheteur aura à faire la preuve contraire ; mais si l’acheteur n’obtient pas toujours de poursuites contre un vendeur malhonnête, il obtient du moins un renseignement précieux ; il saura que sa confiance a été surprise et s’adressera à d’autres fournisseurs. Au surplus, si les acheteurs tenaient à faire punir la fraude, ils auraient un moyen sûr, ce serait de demander une analyse au moment même de l’arrivée en gare, au moment de l’acquittement des droits d’octroi, toutes les fois qu’ils reçoivent des expéditions de province. Ce moyen est toujours à leur disposition quand ils ont été une première fois trompés.

En somme, les laboratoires municipaux ne servent qu’à fournir soit à l’autorité publique, soit aux particuliers, des renseignemens. La police, qui, après avoir visité les magasins de boissons et de comestibles, n’apportait au parquet que des soupçons et des conjectures, lui soumet aujourd’hui des faits. La science a aidé à dissimuler les délits ; la science sert aussi à les faire découvrir, et à les constater avec exactitude. Ce mode de constatation a certainement fait connaître beaucoup de coupables ; il est aussi de nature, le cas échéant, à détourner le soupçon des innocens. Au surplus, l’avis donné n’a pas de sanction directe ; il ne sert qu’à éclairer la justice. On a eu tort de prétendre que les chimistes s’érigeaient en juges : ce ne sont que des témoins.


III

Les accusations portées contre le laboratoire municipal sont de plusieurs sortes. D’abord on a prétendu que cette institution portait atteinte à la liberté. M. Yves Guyot disait au conseil