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excéder le quart des restitutions et dommages-intérêts, ni être inférieure à 50 francs, » quiconque aura trompé l’acheteur sur la nature de toutes marchandises. La loi du 29 mars 1851 explique que ces pénalités seront infligées aux fabricans et aux vendeurs de substances falsifiées, à ceux qui usent de faux poids, et « à ceux qui ont trompé ou tenté de tromper… par des manœuvres tendant à augmenter le poids ou le volume des marchandises. » Avis aux négocians en vins ou en fait qui se livrent si volontiers à cette opération qu’ils ont élégamment appelée le mouillage.

En vertu de cette loi et de divers arrêtés ministériels, les procureurs de la république sont chargés de poursuivre les falsificateurs. Mais comment les connaître ? Dans les villes de quelque importance existent des commissions sanitaires, composées de médecins et de pharmaciens, qui visitent les marchés et les magasins de boissons et d’alimens, et ont le droit de prendre des échantillons. La commission fait son rapport au procureur de la république, qui poursuit, s’il le juge à propos. Quelquefois, dans de très grosses affaires, des experts sont appelés. Le plus souvent, le jugement a lieu, sans contre-expertise, sur les conclusions de la commission. C’est là une mauvaise procédure. La commission, dont les membres ne sont pas rétribués, ou le sont très mal, fait peu de tournées ; il est d’ailleurs à peu près impossible de saisir après un examen rapide, presque au premier coup d’œil, des fraudes très habiles, et très bien dissimulées. Beaucoup doivent passer inaperçues ; et au fond la commission ne doit exercer qu’une action toute morale, par la crainte salutaire qu’elle inspire aux négocians. D’un autre côté, il est possible que ses accusations tombent quelquefois à faux ; et sur des sujets si délicats, une expertise ne devrait jamais être acceptée sans contrôle. Mais dans une petite ville, après avoir pris deux ou trois médecins et deux ou trois pharmaciens pour former la commission, où pourrait-on chercher d’autres experts ? Il faut se contenter du premier avis, faute de savoir à qui demander le second.

Il eût été singulier que, dans les grandes villes, on ne cherchât pas à améliorer ce service. Les grandes villes ne manquent ni d’argent ni d’hommes compétens. La police y est chargée non-seulement de réprimer, mais de prévenir la fraude. Et la poursuite des fraudes sur les denrées alimentaires dans les villes pourvues d’un octroi constitue à la fois un intérêt municipal, et un devoir envers les consommateurs. Un intérêt municipal, car la caisse de la ville est la première volée par les fraudeurs : quand on double avec de l’eau le volume d’une pièce de vin, ou d’une boîte de lait, on le fait, bien entendu, après avoir passé la barrière, et on n’a acquitté