naturellement portés à en désirer d’autres. Or il y a de faux contrebandiers ; d’honnêtes gens qui, après s’être consciencieusement fournis à la boutique officielle, démarquent le produit de l’état, arrachent le visa de la régie et vous repassent, avec les allures les plus mystérieuses, une exécrable collection de londrès achetée au bureau du coin. Leur fraude consiste à se donner pour fraudeurs, à se faire passer pour ce qu’ils ne sont pas. C’est bien fait, dira-t-on, pour les gens qui encouragent ce commerce, et font de coupables infidélités à la régie ! Il n’y a pas moins en France quelques boîtes étrangères. Il faut se défier de celles qui viennent de Brème ou de Hambourg. Dans ces deux villes fleurit une assez curieuse industrie. Elles font venir de La Havane, non pas du tabac, mais les planchettes de cèdre avec lesquelles se fabriquent les boîtes de La Havane, le papier qui les tapisse, les rubans rouges ou jaunes qui lient les paquets, et même les petits clous qui ferment les boîtes. Des ouvriers habiles enveloppent d’une belle feuille de La Havane un cigare fait de mauvais tabac d’Allemagne ou des États-Unis. La boîte et son contenu ont une superbe apparence. On l’expédie à Paris, où elle est vendue avec ou sans estampille officielle.
Enfin on verse cette liqueur, — qui devrait être si agréable et si saine, — l’eau-de-vie de Cognac. L’eau-de-vie, c’est l’alcool tiré du vin par distillation et laissé longtemps en contact avec les douves de chêne des tonneaux. Ce n’est pas, tant s’en faut, l’alcool pur : une bonne eau-de-vie doit marquer 40 à 50 degrés, c’est-à-dire qu’il y a plus d’eau que d’alcool. L’eau-de-vie contient aussi des éthers, en très petite quantité, qui lui donnent son goût agréable. En vieillissant dans le tonneau, elle s’évapore en partie ; on sait qu’à la longue les tonneaux se vident presque à moitié. Le long séjour en présence du bois lui donne une belle couleur : il se fait très lentement une dissolution de très faibles quantités de matière colorante dans l’alcool. La bonne eau-de-vie ne nuit pas à la santé ; on ne peut en douter depuis les belles expériences de M. le docteur Dujardin-Beaumetz sur l’alcoolisme. Ces expériences ont attiré l’attention du conseil municipal, qui a accordé au savant physiologiste une dispense de droits d’octroi pour ses alcools.
M. Dujardin-Beaumetz faisait ses expériences in anima vili. C’étaient des porcs qui lui servaient de patiens. Ces animaux, peu difficiles sur leur nourriture, absorbèrent toutes les préparations pharmaceutiques qu’on sert dans les cabarets de Paris. Ils burent de l’absinthe, du vermouth, du curaçao, du kirsch, de l’anisette, du rhum, et ils moururent, comme Coupeau, le héros de l’Assommoir, dans toutes les horreurs du delirium tremens. Encore est-il probable que M. Dujardin-Beaumetz ne donnait à ses pensionnaires