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Le roi avait envoyé chercher le baron de Breteuil, qui, en sa qualité de secrétaire d’état au département de Paris, était chargé de porter les ordres de disgrâce. Il supplia Louis XVI de l’en dispenser, parce qu’il était reconnu pour l’adversaire juré du contrôleur-général. Le comte de Montmorin reçut cette mission et la remplit. Étourdi du premier coup, Calonne se remit lorsqu’il sut que son successeur immédiat désigné n’était pas son ennemi, l’archevêque de Toulouse. Ce fut en effet le conseiller d’état de Fourqueux. Montmorin avait parlé de Necker, mais sans succès. Ils ne se connaissaient pas encore ; la timidité naturelle de Montmorin l’empêcha d’être plus pressant, et il ne put cette fois vaincre les répugnances du roi. Ce dernier pensait toujours que nommer Necker serait céder la couronne à son ministre.

Le lendemain, 13 avril 1787, le comte de Montmorin vint à Paris remplir une semblable mission auprès du garde des sceaux. Le suisse, d’après Bachaumont, répondit que M. de Miroménil, plongé dans la douleur du décès de Mme de Bérulle, sa fille, ne voyait personne. Le comte de Montmorin, qui ne savait pas cet événement tout récent, hésita un instant ; enfin il prit son parti et insista pour voir son ancien collègue. Il entra et lui offrit d’abord ses condoléances. M. de Miroménil, par ce début, s’imagina qu’il ne s’agissait que d’une visite d’honnêteté ; et, après ce premier compliment, lui dit : « Eh bien ! monsieur le comte, voilà du nouveau, — signifiant par là le renvoi de M. de Calonne, dont il était instruit. — Oui, monsieur le garde des sceaux, mais ce n’est pas tout ; il y a encore ce qui vous concerne, et je me fais une vraie peine de vous l’annoncer, surtout dans ce moment de douleur où vous êtes… » — Enfin, Montmorin lui fit part des ordres du roi, et M. de Miroménil n’hésita point à remettre les sceaux.

Tels furent les débuts du comte de Montmorin au ministère. Quelques jours après, l’archevêque de Toulouse, M. de Brienne, qui visait depuis longtemps au poste de premier ministre, y parvenait. Il était chef du conseil des finances. Depuis quinze ans, il travaillait par le crédit des subalternes à se faire estimer de la reine. Ni assez éclairé pour être philosophe, ni assez ferme pour être despote, admirant tour à tour, suivant le mot d’une femme qui le jugeait bien, la conduite du cardinal de Richelieu et les principes des encyclopédistes, il n’avait guère plus de poids et de sérieux que Calonne. Quand les nations commencent à être quelque chose dans les affaires publiques, tous les esprits de salon sont inférieurs aux circonstances. Avec une présomption aveugle, l’archevêque de Toulouse, devenu cardinal-archevêque de Sens, ne faisait que presser le cours des événemens. Après avoir mis fin à l’assemblée des notables, il entrait en lutte avec les parlemens. Toute la constitution du royaume était