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de la police, Précy, élu membre du conseil des cinq-cents, explique, en effet, que son ami lui a constamment manifesté ses opinions républicaines, qu’il avait été persécuté sous l’ancien régime « de la part du ci-devant ministre Montmorin, dont, à seize ans, on le forçait d’épouser la fille, âgée de dix-sept ans, avec laquelle il n’avait jamais vécu ; qu’il s’était soustrait à la persécution par la fuite et que ce n’était que depuis la révolution qu’il était revenu librement à Paris. » Nous connaissons bien maintenant le mari de Pauline, mais la suite de la lettre de Précy n’est pas moins instructive :

« Depuis six mois, ajoute-t-il, Beaumont m’a témoigné ses inquiétudes sur l’influence du parti de Clichy en me disant que, si nous avions la contre-révolution, il serait perdu : 1° pour n’avoir pas émigré ; 2° pour ne pas avoir contribué ; 3° par rapport aux opinions qu’il avait manifestées en faveur de la république.

« Beaucoup de fois il m’a témoigné le désir de servir la république soit à l’armée, soit dans un bureau quelconque, qu’il aime à s’occuper, et que douze à quatorze heures de travail par jour ne le gêneraient pas, mais que sa naissance le rendant suspect, il n’avait pas osé offrir ses services. Après la journée du 18 fructidor, il est venu me voir et m’a témoigné sa joie sur le succès ; il me réitéra tout ce qu’il m’avait précédemment dit.

« Alors je lui dis que ses craintes relativement à sa naissance me paraissaient déplacées, que le citoyen Barras était directeur, le citoyen Bonaparte était général en chef de l’armée d’Italie, que plusieurs hommes de naissance noble étaient bons républicains ; je l’engageai à lever ses scrupules. Mon discours parut le flatter. Il me dit qu’il chercherait l’occasion d’être occupé. Environ dix à quinze jours après, il m’a fait part qu’il allait à l’armée avec un général dont il serait le secrétaire ; qu’il lui importait peu à quoi il fût employé, qu’il était content et qu’il emploierait tous ses moyens contre les ennemis de la république.

« Avant son départ pour l’armée, il m’a communiqué les papiers qui attestent son civisme depuis le commencement de la révolution ; il m’en a laissé un extrait dont je joins une copie.

« Cependant je viens d’apprendre qu’il a été mis en arrestation par des ordres supérieurs. Si quelques malveillans ont voulu le perdre ou si quelques républicains ombrageux ont conçu de la défiance à son égard par rapport à sa naissance, je me plais à croire que vous emploierez votre autorité pour lui rendre sa liberté.

« Salut et fraternité. — Signé : PRECY. »


Nous savons que la liberté lui fut en effet rendue ; mais un procès avec Dupeyrat, acquéreur de ses terres de Puyguilem et