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n’osons pas dire qu’il coopéra à ses malheurs, mais il les vit avec satisfaction. Il n’émigra pas ; il s’était fait nommer commandant de la garde nationale de la commune de Puyguilem, dans la Dordogne. Revenu à Paris en 1792, successivement élève ecclésiastique, puis étudiant pour le génie militaire, il habitait rue Meslay, n° 27, se faisant régulièrement délivrer des certificats de républicanisme et de résidence par le comité de la section des Gravilliers. Il avait vendu toutes ses propriétés au citoyen Dupeyrat, qui fut plus tard membre du conseil des cinq cents. Porté par les membres du district de Bergerac sur la liste des émigrés, le comte de Beaumont avait obtenu sa radiation en produisant les attestations de sa section. Une lettre de sa municipalité indique qu’il y avait fait déposer ses anciens titres de redevances et droits féodaux et qu’ils avaient été brûlés conformément au décret du 17 juillet 1793. Ses vieux parens, après avoir été détenus au château de Hautefort, district d’Excideuil, avaient été mis en liberté ; ils s’étaient réfugiés d’abord à Jean-sur-Colle, près de Sarlat et avaient fini par se retirer à Créteil.

Leur fils n’était pas au bout de ses aventures. Il avait connu à Paris, dans l’année 1790, le général Damas. L’ayant retrouvé quatre ans après, dans une visite rue Faubourg-Saint-Honoré, le comte de Beaumont, craignant d’être inquiété après la journée du 18 fructidor, proposa à Damas de l’emmener avec lui à l’armée de Sambre-et-Meuse en qualité de secrétaire. Sa proposition fut agréée. Il était à peine installé depuis deux mois à la division du général Lefebvre, sous les ordres duquel se trouvait la brigade Damas, que, par ordre du général en chef, Augereau, il était arrêté comme prévenu d’émigration et enfermé dans la forteresse de Wetzlar. Un ordre de la police générale avait été à cet effet expédié de Paris. Le comte de Beaumont écrit alors à Précy, représentant du peuple au conseil des cinq cents ; il était devenu nous ne savons comment son ami : Précy prend chaleureusement sa défense, se porte garant de son civisme et demande qu’il soit relâché. Nous avons la réponse du citoyen Rudler, commissaire du gouvernement dans les pays conquis entre Meuse et Rhin et Rhin et Moselle. Son rapport, adressé au ministre de la police le 25 ventôse an VI, est ainsi conçu :


« Citoyen ministre,

« Le ci-devant comte de Beaumont est détenu dans ce moment à la prison de Wetzlar, sur les bords du Rhin, près Mayence. Il a été arrêté en vertu d’un ordre émané de vos bureaux, adressé au citoyen Augereau, général en chef, le 6 frimaire dernier. Votre ordre était fondé sur plusieurs motifs : 1° l’ex-comte de Beaumont était