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en vertu de la loi martiale, au consul et à tous les Français non citoyens des États-Unis de quitter la ville dans un délai de trois jours et de s’en tenir à une distance de 12 milles jusqu’à la publication officielle de la ratification des préliminaires de paix. Il déclarait considérer comme citoyens des États-Unis et comme soumis au service militaire tous ceux, quelle que fut leur origine, qui avaient pris part aux dernières élections.

Cet acte arbitraire et violent souleva, comme on peut le supposer, de très vives protestations. Le Courrier de la Louisiane publia une lettre écrite en français et signée : un Citoyen de la Louisiane d’origine française, dans laquelle l’auteur s’attachait à démontrer l’illégalité de la mesure et s’étonnait que le général se fût arrogé à l’égard d’étrangers amis un droit que le président des États-Unis lui-même n’aurait pu exercer qu’à l’égard d’étrangers ennemis. L’auteur ajoutait qu’il était temps de rendre aux lois leur empire et de mettre un terme à des actes d’autorité qu’avaient pu justifier les nécessités de la défense, mais qui, depuis la retraite de l’ennemi, n’étaient plus compatibles avec la dignité des citoyens ni avec le respect de la constitution.

Jackson considéra cette discussion de ses actes comme une intolérable rébellion. Il fit venir l’éditeur du journal et exigea de lui le nom de l’auteur de la lettre. C’était un membre de la législature, nommé Louaillier, qui s’était particulièrement distingué par son patriotisme et par son zèle pour la défense. Le 5 mars, Louaillier fut arrêté et conduit en prison. Il fit aussitôt présenter par son avocat au juge de la cour de district des États-Unis, Dominick Hall, une requête tendant à obtenir un writ d’habeas corpus pour faire cesser une détention illégalement ordonnée. Le juge fit droit à la requête et ordonna que le prisonnier lui fût amené le lendemain matin. À cette nouvelle, la fureur de Jackson ne connut plus de bornes : il adressa le soir même à l’un de ses colonels un ordre daté du quartier-général et ainsi conçu :

« Ayant acquis la preuve que Dominick Hall a aidé, provoqué et excité la révolte dans mon camp, vous donnerez à un détachement l’ordre de l’arrêter et de le détenir en prison et vous me rendrez compte de l’arrestation dès qu’elle sera opérée. Soyez vigilant ; les agens de nos ennemis sont plus nombreux qu’on ne le supposait ; gardez-vous des embûches. — « JACKSON, major-général. »

L’ordre fut exécuté et le juge fut conduit en prison. Quelques jours plus tard, il était expulsé jusqu’à la nouvelle officielle de la ratification de la paix. Quant à Louaillier, il fut déféré à une cour martiale sous la prévention d’espionnage et d’excitation à la révolte.

La dépêche officielle arriva enfin le 13 mars. Jackson la publia,