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ses troupes. De fortes batteries d’artillerie protégeaient cette ligne de défense, tandis que deux navires de guerre, qui parcouraient le fleuve, tenaient le camp ennemi sous un feu incessant.

C’était dans de telles circonstances que Jackson se plaisait à déployer son énergie et sa merveilleuse activité. Il était partout, dirigeant les travaux de défense, observant les mouvemens de l’ennemi, relevant le courage de ses soldats. En même temps qu’il pressait le secrétaire de la guerre de lui faire parvenir sans retard des armes, il demandait des fonds à la législature de la Louisiane pour l’entretien et l’équipement des renforts que venaient de lui envoyer les états de l’Ouest. Fidèle d’ailleurs à ses habitudes autoritaires, il refusait à cette assemblée, dans un langage ironique et hautain, toute explication sur ses plans de défense : « Si je supposais, disait-il aux membres du comité chargés de conférer avec lui, que les cheveux de ma tête pussent savoir ce que je me propose de faire, je les couperais. Portez cette réponse et dites à votre honorable assemblée que, si un désastre vient me surprendre et que le destin des armes m’oblige à abandonner mes lignes pour rentrer dans la ville, elle pourra compter sur une session assez chaude. »

La situation de l’armée anglaise était difficile : elle campait sans abri et presque sans vivres, au milieu d’un marécage, exposée à toutes les intempéries d’une saison rigoureuse, harcelée à toute heure par les audacieuses reconnaissances des volontaires de l’Ouest, chasseurs intrépides qui combattaient à la manière des Indiens, attaquaient la nuit les avant-postes et surprenaient les sentinelles. isolées. Contraint de renoncer à l’espoir de surprendre la ville sans combat, sir Edward Packenham ne tarda pas à reconnaître qu’il aurait à entreprendre un véritable siège pour forcer l’armée américaine dans ses retranchemens improvisés. Il s’y prépara activement, fit amener de la flotte trente pièces de gros calibre et les fit mettre en batterie ; il employa à cet effet, à défaut de terre, de grosses barriques de sucre trouvées dans les plantations voisines et représentant une valeur de plusieurs milliers de livres sterling. L’invention n’était pas heureuse ; ces bizarres matériaux n’offrirent aucune résistance aux projectiles de l’ennemi[1] : les batteries furent presque immédiatement démontées et les troupes, dont elles devaient couvrir la marche, forcées de battre en retraite. Elles se replièrent en désordre,

  1. L’emploi des balles de coton dans les retranchemens de l’armée américaine ne réussit pas beaucoup mieux : le coton prit feu aux premières décharges et enveloppa les lignes de défense d’un épais nuage de fumée : mais les remparts détruits par l’incendie furent presque immédiatement relevés et l’on fit usage pour les reconstruire de la terre noire et spongieuse du delta du Mississipi.