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cavalier, un habile tireur, un amateur passionné de courses de chevaux et de combats de coqs, assez disposé à abandonner pour les séductions et les périls de la vie aventureuse de la frontière la laborieuse et monotone existence de l’étude du solicitor.


II

La destinée du jeune légiste de Salisbury allait bientôt lui ouvrir une carrière nouvelle merveilleusement appropriée à son humeur aventureuse et à sa rude énergie. La nation américaine, à peine sortie des épreuves de son affranchissement, commençait à briser le cercle étroit de ses premières frontières, et cédait à ce grand mouvement d’expansion dans la direction de l’Ouest qui ne devait trouver son terme que sur les bords de l’Océan-Pacifique. De hardis pionniers, attirés par les récits d’Indiens vagabonds vers des régions inexplorées, défrichaient les immenses forêts qui couvraient le sol, chassaient les animaux sauvages qui peuplaient ces vastes solitudes, cultivaient cette terre dont ils étaient les premiers maîtres, y groupaient des cabanes qui formaient le noyau d’un village et bientôt d’une ville. Les Indiens disparaissaient peu à peu, refoulés par la race conquérante, et la civilisation américaine prenait possession d’un nouveau territoire. Telle était alors la condition de cette région comprise entre la chaîne des Alleghanys et le Mississipi qui forme aujourd’hui l’état de Tennessee et qui, dans la jeunesse de Jackson, dépendait encore de la Caroline du nord. Quelques milliers de settlers y étaient déjà fixés, et le patron de Jackson, Spruce Mac Gay, venait d’y être attaché à la première cour de justice dont le siège devait être à Jonesboro. Un autre homme de loi de Salisbury, John Mac Nairy, fut nommé juge de la cour suprême pour le district occidental du Tennessee et offrit à Jackson de remplir dans ce district les fonctions de public prosecutor. C’était un emploi assez pu enviable et qui n’était pas sans périls au milieu de ces rudes populations, et dans un pays sauvage éloigné d’environ cinq cents milles des parties populeuses de la Caroline du nord. Mais Jackson n’était pas homme à s’émouvoir de ces périls et il partit gaiement à cheval pour cette lointaine destination, en compagnie du nouveau juge, de son greffier et de quelques jeunes avocats. La petite caravane traversa cette région montagneuse dont la solitude n’était interrompue de temps à autre que par le passage de quelques familles d’émigrans qui partaient, le fusil et la pioche sur l’épaule, à la recherche de la fortune. Elle s’arrêta quelques semaines à Jonesboro qui était alors la principale ville du Tennessee oriental, et y attendit