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PROMENADES ARCHÉOLOGIQUES.

Pline nous dit que son autorité les mit à la mode tant qu’il vécut, mais qu’ils ne purent pas lui survivre ?

Ce ne sont là, je le reconnais, que de petits différends qui n’ont pas beaucoup d’importance. Les difficultés véritables commencèrent un peu plus tard ; elles vinrent des libéralités même de Mécène. Les bienfaits des grands sont des chaînes : Horace ne l’ignorait pas ; au moins essaya-t-il de rendre les siennes légères. D’abord il ne voulut pas prendre tout ce qu’on lui offrait. Dans l’ardeur de son amitié. Mécène désirait lui donner tous les jours davantage. Horace n’accepta que le bien de la Sabine. « C’est assez ; c’est même trop, » lui disait-il,

Satis superque me benignitas tua
Ditavit.


Et ce bien lui-même, dont il était si heureux, au moment où il en jouissait avec le plus de plaisir, il laissait entendre qu’il pourrait au besoin s’en passer. « Si la fortune me reste fidèle, je la remercie ; mais dès qu’elle agitera ses ailes pour me fuir, je lui rendrai ce qu’elle m’a donné ; je m’envelopperai de ma vertu ; je saurai me contenter d’une honnête pauvreté. » Voilà Mécène bien averti : son ami ne sacrifiera pas son indépendance à sa fortune ; il redeviendra pauvre plutôt que de cesser d’être libre. Un jour vint où il éprouva le besoin de le dire plus clairement encore. Il avait quitté Rome au commencement d’août, promettant de ne rester que quatre ou cinq jours à la campagne ; mais, une fois qu’il y fut arrivé, il s’y trouva si bien qu’il oublia de tenir sa promesse. Le mois entier passa sans qu’il lui fût possible de s’en arracher. Mécène, qui ne pouvait plus vivre sans lui, se plaignit avec quelque amertume ; peut-être insinua-t-il, dans sa lettre, qu’il comptait sur plus de reconnaissance. Nous avons la réponse d’Horace, qui est assurément l’un de ses meilleurs ouvrages. Il est impossible d’envelopper plus de fermeté ; dans plus de douceur. À travers d’agréables récits et de complaisans apologues, sa résolution se montre aussi précise, aussi nette que possible. Il ne reviendra pas dans quelques jours, comme on le lui demande ; il ne veut pas s’exposer aux fièvres tant que durera l’automne. Bien plus, si l’hiver s’annonce rigoureux, si la neige couvre le mont Albain, il descendra du côté de la mer et s’enfermera dans quelque chaude retraite pour y travailler à son aise. C’est seulement au printemps, « à la première hirondelle, » qu’il sera de retour. Ce terme, comme on voit, est fort reculé. C’est exprès qu’il le rejette aussi loin : on dirait qu’il a voulu faire accepter aux autres par une épreuve définitive et se bien prou-