Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/725

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

considérables éclate enfin à tous les yeux. M. Tirard a déclaré, il y a peu de jours, à la commission du budget, que le rendement des impôts, pour la première quinzaine de mai, présentait une moins-value sur les prévisions budgétaires comme sur les résultats de l’exercice précédent. Les recettes diminuant et le flot des crédits supplémentaires s’élevant toujours, le ministre a dénoncé l’apparition du déficit, estimé déjà à 60 ou 80 millions et qui, sans doute, dépassera largement cette évaluation. Les choses étant ainsi, tout ce que l’on peut souhaiter, c’est que les grandes puissances financières qui veillent à la défense du crédit de l’état ne permettent pas aux baissiers d’accabler sous des coups trop répétés un marché déjà si éprouvé et si affaibli. Il ne peut plus être question de hausse dans les circonstances actuelles ; le maintien du statu quo serait, au contraire, un grand bienfait pour la place, qui a surtout besoin de calme et de repos. La liquidation va s’effectuer sans peine, on peut hardiment le présumer, et les taux de report ne seront pas onéreux, mais des incidens comme ceux qui viennent d’agiter encore la Bourse ne sont pas de nature à rendre la confiance aux capitaux et à les ramener aux valeurs. L’argent abonde, mais n’est disposé à se prêter que pour des emplois temporaires, et fuit toute immobilisation.

Les valeurs du Suez ont bénéficié depuis quinze jours d’un mouvement vigoureux de reprise. L’agitation anglaise contre la compagnie s’est un peu calmée, les recettes sont brillantes, et l’on annonce que le conseil d’administration a résolu de commencer immédiatement la construction d’un second canal. M. de Lesseps doit présenter à l’assemblée générale des actionnaires du 4 juin des propositions conformes à cette résolution. Il est difficile de préjuger si les mesures qui seront adoptées pour la formation du capital, soit que l’on émette de nouvelles actions, soit que l’on ait recours à l’emprunt par obligations, seront propres à favoriser la hausse ou à déterminer la baisse sur les titres actuels. Les mouvemens si violens qui se sont produits cette quinzaine sur l’action et la part civile sont, en tout cas, dus aux manœuvres de deux groupes opposés de spéculateurs bien plutôt qu’aux appréciations diverses auxquelles ont pu se livrer les porteurs des titres sur l’avenir réservé à l’entreprise.

Les négociations se poursuivent entre le ministre des travaux publics et les compagnies de chemins de fer. La convention conclue avec le Paris-Lyon-Méditerranée a été définitivement signée. Elle assure la construction, par la compagnie, avec le concours pécuniaire de l’état, se libérant par des annuités, de 2,000 kilomètres de nouvelles lignes et fixe à 75 francs la limite de dividende au-delà de laquelle commence le partage des bénéfices nets, l’état recevant deux tiers de ces bénéfices. Les conventions avec le Nord et l’Orléans sont fort avancées. L’une et l’autre de ces Compagnies se charge de construire de 6 à