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REVUE LITTÉRAIRE

Rivarol et la Société française pendant la révolution et l’émigration, par M. de Lescure, 1 vol. in-8o ; Paris, 1883 ; Plon.

Un livre sur Rivarol, tout un livre, un gros livre, de cinq cents pages, sur l’homme qui ne nous rappelle guère aujourd’hui que le plus brillant causeur dont la chronique des derniers salons, du XVIIIe siècle ait légué le souvenir à l’histoire de la littérature, ne semblera-t-il pas tout d’abord que ce soit un peu beaucoup, et assurément, plus que l’on n’attendait ? Car ou sont les œuvres de Rivarol, et je ne dis pas celles que l’on lise, mais celles seulement que l’on cite ? Quel rôle cet homme d’esprit a-t-il joué dans ce drame de la révolution qui s’ouvrit, se noua, se dénoua sous ses yeux ? Et que représente-t-il enfin, dans l’histoire et dans la littérature qu’une image de la frivolité mondaine et de l’impertinence élégante ?

On peut répondre, à la vérité, que cela même est déjà bien quelque chose. En effet, l’impertinence, élégante n’est pas à la portée du premier venu qui s’y essaie, et tant d’honnêtes lourdauds qui se sont exercés, qui s’exercent inutilement tous les jours à la frivolité mondaine prouveraient assez, que, pour y réussir, il ne suffit peut-être pas d’en avoir formé le projet. Mais il faut ajouter que, sous ce Rivarol des salons, sous l’homme à la mode et sous le persifleur, il y en a un autre, bien supérieur à la réputation que les circonstances lui ont faite, un écrivain de race, un remarquable publiciste et, sinon précisément ce que l’on appelle un penseur, — ce serait trop dire, et trop de qualités lui manquent pour cela, — tout au moins un moraliste, un moraliste original, le dernier de cette longue et glorieuse lignée des La Rochefoucauld, des La Bruyère, des Vauvenargues, des Duclos, des Chamfort. C’est ce Rivarol