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formant en dehors de la perpendiculaire. Si le point ou les bourrelets ont surgi s’était trouvé sous terre, les cellules se seraient organisées sous forme de racines et la partie supérieure de l’arbre aurait été affranchie, c’est-à-dire qu’elle aurait pu vivre sans le secours de ses racines primitives. Ces bourrelets sont sortis du tronc, parce qu’un obstacle les a rejetés en dehors de la direction normale ; mais arrivés près du collet, au lieu d’obstacle, ils ont rencontré des restes de couches génératrices qui leur ont permis de se souder à nouveau au tronc en reprenant une situation normale… Dans cette dernière action, la couche génératrice a accompli l’action qui caractérise la soudure d’un greffon puisque le suc nourricier a produit la multiplication de cellules dans l’intérieur de l’écorce, tandis qu’avant, le suc nourricier, rejeté hors de sa situation normale, a produit la multiplication des cellules en dehors de l’écorce. Si ces deux actions s’étaient accomplies sous terre comme dans une vigne greffée, la première aurait produit l’enracinement et l’affranchissement, et la seconde la soudure parfaite, telle qu’on la désire quand on greffe une espèce française sur une espèce américaine, moyennant la suppression répétée de racines naissantes.

C’est cette propriété des cellules de s’organiser et de se multiplier en tous sens qui explique le mécanisme de la soudure des greffes. La couche génératrice des deux coupes ayant des facultés d’accroissement égales, de nouvelles cellules gorgées de sucs nourriciers se forment et, allant à l’encontre les unes des autres, s’unissent et recouvrent rapidement les sections au point d’en faire disparaître la trace. C’est ainsi que les choses se passent dans les greffes, à juxtaposition de coupes parfaite, où la végétation s’établit avec activité et continuité ; mais, quelque parfaite que soit la juxtaposition générale des coupes, il y a forcément des points où elle laisse à désirer. C’est sur ces points que le cambium s’échappe pour s’organiser au dehors du sujet, et, se trouvant en contact direct avec la terre, il produit des racines au lieu de produire des soudures. On remarque que la soudure parfaite est incompatible avec une abondante émission de racines, mais on se demande si l’enracinement est la cause ou l’effet de la mauvaise soudure. En résumé, c’est l’enracinement accompagné de soudure qui constitue l’affranchissement, action aussi désirable quand il s’agit de substituer un cépage racine à un autre, que nuisible quand il s’agit de doter un cep à racine résistante d’une partie aérienne d’une autre espèce. Dans le premier cas, la sève descendante est dérivée aux dépens du sujet et au profit du greffon, qui, par cette formation de racines, se crée une vie individuelle. Dans le second cas celui de la greffe en espèces françaises sur racines américaines), cet affranchissement