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prendrions pas la peine de discuter avec moins érudit que lui. L’an dernier, nous avons été un des premiers à parler de M. Rochegrosse. Nous sommes heureux, cette année, de saluer en lui un vrai peintre d’histoire. Il a concouru sans succès, mais non sans honneur pour le prix de Rome. L’Andromaque le désigne incontestablement pour une première médaille, et pour le prix du Salon. M. Rochegrosse ira se fortifier encore dans l’étude des grands maîtres italiens et des beaux marbres grecs ; il ira prendre de nouvelles inspirations en Grèce et à Rome, aux sources mêmes de cette antiquité classique dont il a un sentiment si profond et si personnel.

M. Feyen-Perrin a peint une Danse des nymphes sur un fond martelé d’un jaune rosé qui n’est franchement ni un ciel de soleil couchant ni une teinte plate de décoration murale. La même indécision apparaît dans les figures où la préoccupation du style le dispute à la recherche de la réalité. La danseuse qui s’est détachée du groupe principal n’est point gracieuse avec ses jambes écartées. On doit louer en revanche le mouvement eurythmique et le joli groupement des nymphes qui tournent en se tenant par la main. Dans le Silène de M. Comerre, l’inspiration est moins élevée. Le Falstaff antique a fait dans le bois une mauvaise rencontre ; des bacchantes et des satyres le terrassent, se roulent sur lui et lui écrasent sur les lèvres des grappes de raisin noir. C’est une débauche de chairs nues que rachèterait seule une exécution à la Jordaens. Or la facture est bonne, non point surprenante. Le corps blanc de Silène est exactement du même ton que le corps de la jolie bacchante rousse qui le barbouille de lie. Des contrastes de coloration entre la chair de la femme et la chair de l’homme seraient pourtant dans la vérité et dans l’effet pittoresque. M. Comerre est d’ailleurs un peintre de savoir et de tempérament qui aura son jour. En attendant, regardons sa pseudo-Japonaise, où il module la symphonie en rose comme il avait modulé dans son Étoile d’opéra la symphonie en blanc. Cette Japonaise, une blonde aux yeux bleus qui déroute toutes les idées ethnographiques, est vêtue d’une robe rose brodée d’or retenue à la taille-par une ceinture rose rayée d’or ; elle porte un éventail rose ramage d’or, et naturellement au fond du tableau tombe un rideau de soie rose à dessin d’or. C’est du plus charmant effet. — Le livret nous apprend que cette Japonaise est le portrait de Mlle Achille Fould. On désirerait que tous les portraitistes eussent de pareils modèles. — La nature vaut donc mieux que l’invention, car une autre Japonaise de Paris, que M. G. Courtois appelle : Fantaisie, est singulièrement minaudière et maniérée ; elle est toutefois agréable à regarder dans son accoutrement multicolore, — un véritable arc-en-ciel. Ce qui n’est point précisément aussi agréable à regarder, c’est