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renseignemens officiels font malheureusement défaut. Voici toutefois, en ce qui les regarde, ce que nous trouvons dans l’ouvrage récent d’un ancien habitant de l’Algérie, qui a pris soin de relater avec une scrupuleuse impartialité, qualité assez rare dans la contrée où il réside, tous les faits qui se sont passés sous ses yeux depuis environ cinquante ans : « Malgré les efforts de l’administration et des comités, malgré les secours envoyés pendant plusieurs années de France, la réussite fut peu brillante, comparativement aux efforts et aux sacrifices faits. Quand on cessa de distribuer de l’argent et des vivres, un certain nombre d’Alsaciens rentrèrent chez eux ou se dispersèrent ; d’autres attendirent l’expiration des cinq années du bail, vendirent leur concession depuis longtemps grevée et disparurent[1]. »


V

Prendre les précautions nécessaires, afin qu’au lieu de se disperser au bout de quelques années, les Alsaciens-Lorrains demeurassent fixés en Algérie, tel était le but à poursuivre. Une société fondée aussitôt après les désastres de 187Î afin de venir en aide à nos compatriotes des provinces annexées crut possible de l’atteindre en cherchant à lier les nouveaux colons, non point seulement par des obligations positives, mais par ces attaches autrement puissantes qui rendent si chère au cultivateur laborieux la terre qui le nourrit. Sans vouloir faire en aucune façon de la colonisation officielle, elle se proposait, en mettant à profit, en 1874, les enseignemens résultant des récentes tentatives du gouvernement, d’essayer à côté de lui, d’accord avec lui, mais avec une entière indépendance d’action, ce que pourrait produire l’initiative d’un comité composé d’hommes uniquement désireux de faire acte de bienfaisance et de patriotisme. Ils n’en étaient pas à ignorer ce qui s’était passé à l’occasion des 100,000 hectares attribués aux émigrans des provinces annexées et de leurs défectueuses installations. Un des membres de ce comité, M. Guynemer, celui-là même dont nous avons cité le rapport adressé à la commission Wolowski, avait été chargé, vers la fin de l’année 1872, d’aller visiter tous les colons alsaciens-lorrains disséminés un peu partout dans les trois départemens d’Algérie et de leur porter, de la part de la Société de protection, des secours qui ne montèrent pas à moins de 130,000 francs. Le retentissement du voyage de M. Guynemer, les sommes importantes et les conseils utiles qu’il ne se fit point faute de distribuer pendant son excursion ont, dans le temps, donné à penser à beaucoup de

  1. L’Algérie et les Questions algériennes, Ernest Mercier. Paris, Challamel.