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Alger, avec mission de pénétrer dans l’intérieur des terres et de se rendre compte de tout par elle-même. Quarante et un villages où séjournaient les colons furent, de sa part, l’objet d’une enquête minutieuse. De l’inspection qu’elle avait faite et des documens qu’elle avait réunis, il ne résultait rien de favorable à l’envoi de nouveaux colons[1]. Quand vint la discussion à l’assemblée, ce fut le rapporteur, M. Ch. Reybaud, qui ouvrit les débats. Son discours, qui obtint l’assentiment à peu près universel résume brièvement en termes pleins de clarté et de bon sens ce qu’il faut définitivement penser de la tentative de colonisation, essayée en Algérie au moyen des émigrans de 1848 :

« Dans cette question des colonies agricoles de l’Algérie, il est deux points sur lesquels tout le monde semble d’accord : le premier, c’est que ces colonies ont été le produit de la nécessité, des circonstances, et qu’elles ont été, dans une proportion notable du moins, composées d’élémens défectueux peu en harmonie avec leur destination… Voilà un premier point dont l’évidence n’est plus à démontrer… Le second est de s’abstenir de tout acte, presque de toute parole qui pourrait ressembler à une condamnation anticipée et ajouter de nouveaux germes de découragemens à ceux qui existent déjà sur les lieux… Il y a plus d’une critique à faire, plus d’une objection à élever sur ce qu’ont été ces colonies, sur ce qu’elles auraient pu être. Les sacrifices n’ont pas été en rapport avec les résultats. On aurait pu employer les ressources du Trésor à des créations mieux ordonnées et plus profitables. Qui n’en a pas le profond sentiment ? .. D’accord avec la commission du budget, d’accord avec le gouvernement, notre commission vous propose de décider : « Qu’à l’avenir, il ne sera plus fondé de colonies agricoles en Algérie dans les mêmes conditions ni avec les mêmes élémens. Il est temps de s’arrêter dans une voie où la dépense n’est pas en rapport avec les produits[2]. »

Ces conclusions de la commission furent acceptées en troisième lecture et presque à l’unanimité par l’assemblée. Quant aux sages avertissemens dont M. Reybaud s’était fait l’interprète, en 1850, ils n’étaient pas destinés à peser d’un grand poids, vingt ans après, sur les déterminations d’une autre assemblée patriotiquement, mais un peu étourdiment empressée de recourir, pour aider au développement de notre colonie algérienne, presque aux mêmes moyens dont nous venons de constater l’insuccès.

  1. M. Charles Reybaud. (Moniteur du 5 juillet 1850, page 2289.)
  2. Discours de M. Reybaud, séance du 5 juillet 4850. (Moniteur, page 2289.)