Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/492

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

après treize ans, que des résultats aussi incomplets ? Et pourquoi nous faut-il derechef en tendre nos compatriotes fixés en Algérie se plaindre encore aujourd’hui, non sans quelque apparence de raison, de l’insouciance que, sous la république, le gouvernement et les chambres semblent témoigner pour leurs intérêts les plus essentiels ? La plainte n’est que trop naturelle, mais les reproches sont-ils bien justes ? Hélas ! ce sont les malheurs de la patrie qui ont été l’unique cause de cette soi-disant indifférence. Au lendemain de ses revers, la France a dû, pour assurer son salut au sortir de l’épreuve qu’elle venait de traverser, se replier pour ainsi dire sur elle-même et courir au plus pressé. Les membres de l’assemblée nationale, aux prises avec les difficultés du jour, n’avaient pas l’esprit assez libre ni même assez de loisirs pour se livrer aux discussions de principes qu’aurait amenées l’étude d’une nouvelle organisation de notre colonie algérienne. La forme des délibérations de nos assemblées parlementaires n’est pas d’ailleurs restée ce qu’elle était naguère sous les monarchies constitutionnelles de 1815 et de 1830. La discussion de l’adresse au début de chaque session et celle du budget avant sa clôture fournissaient alors l’occasion de passer en revue et de traiter amplement à la tribune tous les sujets qui touchaient aux intérêts vitaux de notre pays. L’examen annuel du budget a bien été maintenu, parce qu’il est la condition essentielle de tous les gouvernemens libres, mais, à la chambre des députés, la discussion n’en est jamais venue qu’aux derniers momens de la session, alors que ses membres étaient pressés d’entrer en vacances. Quelle possibilité pour un député d’appeler utilement, en de pareilles circonstances, l’attention de ses collègues sur un sujet aussi vaste et aussi compliqué ? Et la présentation si tardive du budget au sénat, qu’a-t-elle été jusqu’à présent, sinon une vaine formalité et, pour ceux qui prennent au sérieux les affaires du pays, une véritable déception ? Sera-t-il permis à celui qui écrit ces lignes de constater qu’à trois reprises différentes, quand il a voulu, à propos des dépenses de notre colonie, soulever la question si importante à ses yeux d’une responsabilité ministérielle effective pour les affaires de l’Algérie et signaler les inconvéniens très fâcheux qui résulteraient, suivant lui, pour l’expédition des affaires, du système des rattachemens inauguré un beau matin, puis abandonné, puis repris, dont on ne sait pas encore au juste ce qu’il en est advenu, jamais il ne lui a été donné d’obtenir des ministres en exercice autre chose que des réponses, assurément fort courtoises, mais encore plus écourtées, et des promesses évasives qui n’ont été suivies d’aucune exécution ? Alors qu’un silence si complet s’est prolongé durant tant d’années, est-il donc