Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 57.djvu/476

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le couronnement de toutes les traditions arbitraires. On irait au besoin chercher l’arbitraire jusqu’au fond des siècles pour s’en servir dans un intérêt de parti !

La vérité est que ce n’est là qu’une forme, un incident de cette guerre qu’on poursuit et qui prend aujourd’hui un caractère d’autant plus blessant pour toutes les consciences honnêtes qu’elle procède par mille moyens détournés, qu’elle affecte de se déguiser parfois sous des semblans de légalité. Il y a eu des temps où l’esprit de secte allait audacieusement à son but, où il ne cachait pas son hostilité contre les religions traditionnelles, ses desseins de proscription et de destruction. Aujourd’hui on agit avec plus de diplomatie, — plus habilement et plus sûrement, dit-on ; On a l’art des subterfuges et des euphémismes. La guerre, oh ! sûrement, personne ne la veut. M. le président du conseil est le premier à en désavouer la pensée. M. le garde des sceaux, qui est certainement sincère, répudiait l’autre jour avec chaleur l’idée qu’on prêtait au gouvernement de vouloir « déchristianiser » la France. Soit ! Malheureusement on a beau dire, la guerre ne se poursuit pas moins, non plus seulement contre l’église catholique, contre ce qui s’est appelé si longtemps le « culte national, » mais contre toute idée religieuse. Tantôt, sous prétexte de neutralité, on fait disparaître des écoles les emblèmes de tous les chrétiens, on introduit dans l’enseignement des programmes équivoques ; tantôt on bannit les sœurs de charité de leurs maisons, les aumôniers des hôpitaux, même ces aumôniers chargés de réciter les « dernières prières » pour les pauvres. Un jour, on avoue tout haut l’intention de remettre la main sur certains édifices religieux, de les « désaffecter, » — c’est encore un nouveau mot comme « laïciser ; » — demain on proposera d’effacer des budgets municipaux les dépenses des cultes. Là où l’on craindrait encore d’agir ouvertement, on procède d’une manière subreptice : on supprime des traitemens. Au moment présent, à défaut de la suppression totale du budget des cultes qui rencontrerait peut-être encore quelque difficulté, une sous-commission des finances est en travail d’une série de propositions réduisant la dotation de quelques archevêques, les-indemnités des évêques, les honoraires des curés, — supprimant les bourses des séminaires, les traitemens des chanoines et des vicaires-généraux. Et comme il faut que le comique, pour ne pas dire le grotesque, se mêle aux choses les plus sérieuses dans une campagne de ce genre, on a eu tout récemment cet incident puérilement bizarre des petits livres scolaires dont les auteurs se sont crus obligés de régler leurs citations sur les fantaisies du conseil municipal de Paris. Oui, ils ont expurgé La Fontaine ! ils ont biffé le nom de « Dieu, » effacé le mot de « prière ! » ils ont corrigé, accommodé leurs citations au goût laïque, atténué les couleurs religieuses de certains morceaux ! Racine a été banni comme trop clérical ! Le conseil municipal de Paris