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en ces matières, sinon toujours ce qu’il fait, et de déclarer que nous approuverons tous ses actes lorsqu’ils seront d’accord avec son système ; au contraire, M. Sarcey, non content de blâmer les actes d’après le système, — qu’il n’admet que pour les juger, — réprouve le système absolument. Ainsi, M. Perrin, en choisissant ce terrain pour sa défense, obtient d’abord ce résultat qu’il divise la critique.

Il se peut que, sur un point de fait, nous nous séparions de M. Perrin et que notre témoignage lui soit moins favorable que le sien propre ; sur le point de droit, nous pensons comme lui ; nous souscrivons à ces théories que son adversaire n’accepte par hypothèse que pour l’en accabler. Faut-il, pour marquer nos positions, choisir un exemple ? ce J’ai donné tous mes soins, déclare M. Perrin, pendant plusieurs mois à la mise en scène de ce drame : le Roi s’amuse. — Vous avez eu tort, s’écrie M. Sarcey… — Vous avez eu raison, disons-nous. — Mais, en admettant que vous eussiez raison, reprend M. Sarcey, — vous n’avez pas réussi : la mise en scène du premier acte est froide et la mise en scène du quatrième indiscrète. Vos seigneurs ne bougent pas plus que des souches et votre tonnerre m’empêche d’entendre Mlle Bartet. — Point du tout, réplique M. Perrin ; ici et là tout est parfait : ici, le rideau tombe justement sur ce tableau de désordre que vous réclamez ; et là, je vous défie de trouver un tonnerre mieux appris que le mien ! » Notre avis, en l’espèce, est contraire à celui de M. l’administrateur ; nous avons pour ses seigneurs et pour son tonnerre les mêmes yeux et les mêmes oreilles que M. Sarcey. Mais qu’importe ? « Mes seigneurs bougent, dit l’un. — Ils ne bougent pas, fait l’autre, » — et nous ne les voyons pas bouger plus que lui ; mais l’important est que l’un et l’autre sont d’accord sur ce point que les seigneurs doivent bouger, et nous nous entendons avec eux là-dessus. « Mon tonnerre fait sa partie sans couvrir celle de l’acteur. — Point ! il la couvre ! » Il nous semble bien qu’il la couvre, en effet ; mais l’important est que tout le monde soit d’accord là-dessus, qu’il ne doit point la couvrir ; personne n’y contredit. L’accident nous intéresse peu ; la théorie seule a du prix à nos regards ; elle serait ruinée si M. Perrin convenait que sa mise en scène est mal réglée, s’il ajoutait : « Je m’en moque, » et si M. Sarcey ne s’en était même pas aperçu. Mais on voit que c’est tout le contraire : l’un s’évertue à nier le cas et l’autre à le prouver ; c’est donc que le cas a de l’importance. Vainement on dira que M. Sarcey n’admet cette importance que par hypothèse et pour vexer M. Perrin sur le terrain même qu’il a choisi ; l’acharnement de sa critique est le gage de sa sincérité : si cette mise en scène ne l’avait, en effet, choqué, il ne crierait pas si fort, et si, à l’occasion, une faute en ces matières l’irrite, c’est que ces matières ne lui sont pas indifférentes. La théorie, après ce débat, demeure intacte : le jugement sur le fait ne prévaut pas contre elle ; même elle tire gloire de l’accusation aussi bien que de la défense.