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Pour commencer, le directeur félicite le critique sur cette « ténacité qui est un des traits de son caractère, une des forces de son talent ; » pour conclure, il lui dit avec une assurance qui ne laisse pas d’avoir bon air : « Il est convenu que je suis un administrateur néfaste pour la Comédie-Française ; vous le répétez à satiété, vous tâchez de le persuader à vos lecteurs. Eh bien ! monsieur, je ne crois pas que ce soit l’avis du public ; je ne suis même pas bien sûr que ce soit le vôtre, et vous m’excuserez de vous dire que ce n’est pas du tout le mien. » Ce commencement et cette fin ont leur prix ; entre les deux, cependant, il fallait parler de quelque chose, et M. Perrin, membre de l’Académie des beaux-arts, a disserté sur la mise en scène : il a bien choisi son sujet.

En effet, nous savons que les griefs de M. Sarcey contre M. Perrin sont de deux ordres différens : d’une part, la Comédie-Française ne donne pas assez aux belles-lettres, elle est mal pourvue de nouveautés, elle néglige le répertoire ; d’autre part, elle donne trop à la mise en scène, elle est trop occupée du décor et du costume. Sur le premier point, M. Perrin aurait peut-être quelque embarras à nier ; il ne pourrait que réclamer le bénéfice de circonstances atténuantes, discourir sur l’impuissance des auteurs et sur la « force des choses : » est-il coupable si chaque saison ne produit pas son chef-d’œuvre et s’il ne peut faire, pour préparer plus de reprises, que les après-midi soient de vingt-quatre heures ? Voilà, j’imagine, à peu près tout ce qu’il pourrait dire ; il ne pourrait soutenir, à l’encontre de M. Sarcey, que tes Rantzau, les Corbeaux et Service en campagne, avec Barberine et les Portraits de la marquise, soient un bagage considérable pour toute une année ; non, quand bien même on y ajoute les reprises de Mithridate, du Demi-Monde, de la Famille Poisson et cette déconvenue dorénavant historique, le Roi s’amuse. Mais, par bonheur, ce n’est point aux griefs de cet ordre que M. Sarcey revient le plus souvent : il est difficile d’écrire tout un feuilleton « sur la pièce nouvelle que la Comédie-Française n’a pas représentée cette semaine » ou « de la tragédie qu’elle a négligé de reprendre ; » on blâme les gens avec plus de commodité, plus de variété, plus d’abondance sur ce qu’ils font que sur ce qu’ils ne font pas. D’ailleurs M. Sarcey veut se persuader que, si M. Perrin ne monte pas plus d’ouvrages inédits ou ne remonte pas plus, d’ouvrages anciens, c’est parce qu’il est trop curieux de toiles peintes, d’étoffes et de pas à régler ; s’il n’est qu’un petit serviteur des lettres, c’est parce qu’il est grand décorateur, grand tapissier, grand costumier, grand ordonnateur de mouvemens scéniques. C’est là-dessus et sur tout le détail matériel des pièces qu’il donne, plus souvent que sur : ce qu’il ne donne pas, que M. l’administrateur-général est interpellé par le critique : c’est donc là-dessus qu’il paraît avoir plutôt à répondre, et je comprends qu’il le préfère : il a plus beau jeu sur ce chapitre. Au moins sommes-nous forcés d’approuver ce qu’il prétend faire