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REVUE DRAMATIQUE

LA COMEDIE-FRANCAISE ET L'ART DE LA MISE EN SCENE

Étude sur la mise en scène, par M. Emile Perrin, — préface au huitième volume (1882) des Annales du théâtre et de la musique, par MM. Noël et Stoullig. Paris, 1883 ; Charpentier.

M. Emile Perrin, administrateur-général de la Comédie-Française, est un homme malicieux et grave. Pendant près de trois années, qui font cent cinquante-six feuilletons, il a essuyé sans bouger les réprimandes de M. Sarcey. Assurément l’averse ne tombait pas toutes les semaines ; au moins n’était-ce pas chaque lundi la grosse pluie : souvent ce n’était qu’à peine quelques gouttes chassées par un vent oblique, après une de ces embellies qui luisent sur l’Odéon. M. l’administrateur-général avait même ses lundis secs : le Vaudeville et le Gymnase ou, mieux encore, le Château-d’Eau avaient donné la semaine d’avant du divertissement au critique. D’ailleurs, à parler sérieusement, M. Sarcey ne considérait pas que le principal de sa besogne fût de molester M. Perrin : celui-ci, en somme, n’était pour lui qu’un en-cas ; mais quel en-cas ! C’était une merveilleuse conserve : chaque fois que manquaient les viandes fraîches, M. Sarcey la décrochait et s’en coupait une tranche. Pendant trois années, le patient n’avait pas frémi ; voici que MM. Noël et Stoullig, rédacteurs d’une sorte d’almanach des théâtres, demandent à M. Perrin la préface de leur huitième volume : M. Perrin consent à l’écrire pour la dédier à M. Sarcey, et de quel tour plaisant il l’écrit ! Il est flegmatique et pince-sans-rire autant que son adversaire est expansif et réjoui ; à le voir se mettre en travers au moment où ce bonhomme d’ogre pensait l’avaler, on croit imaginer une pantomime bizarre où le chevalier de la Triste-Figure interrompt un régal de Sancho.